Endométriose

Une maladie gynécologique fréquente mais encore mal connue

L’endométriose est une maladie gynécologique qui concerne environ une femme sur dix en âge de procréer. Elle est liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus. Différents organes peuvent être touchés. La maladie peut provoquer des douleurs parfois invalidantes, notamment au moment des règles, mais elle peut aussi rester asymptomatique. Dans environ un tiers des cas, elle est par ailleurs associée à une infertilité. Pour améliorer la prise en charge des patients qui en souffrent, les chercheurs tentent de mieux comprendre les mécanismes de cette maladie et ses liens avec l’infertilité.

Dossier mis à jour avec Daniel Vaiman, responsable de l’équipe Génomique, épigénétique et physiopathologie de la reproduction (unité 1016 Inserm/CNRS, Institut Cochin, Paris), Ludivine Doridot, maîtresse de conférences de l’Université Paris Cité (Chaire Inserm, Institut Cochin) et Marina Kvaskoff, épidémiologiste au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP, unité Inserm 1018) à Villejuif.

Comprendre l’endométriose

L’endométriose survient chez les femmes en âge de procréer, parfois dès la puberté. Cette maladie se caractérise par la présence anormale de fragments semblables à de la muqueuse utérine (endomètre) en dehors de l’utérus : sur les ovaires (dans environ 50 % des cas), les trompes, les ligaments utérins, la paroi du rectum et du vagin, la vessie, et/ou le péritoine (la membrane qui tapisse la cavité abdominale et maintient en place les organes qu’elle contient). Cette anomalie provoque des lésions sur les tissus atteints, pouvant entraîner douleurs et infertilité. Les symptômes tendent à s’atténuer ou disparaitre après la ménopause.

Les lésions d’endométriose sont composées de cellules qui présentent les mêmes caractéristiques que les cellules de la muqueuse utérine et réagissent comme elles aux hormones ovariennes (œstrogènes, progestérone). Ainsi, à chaque cycle menstruel, les lésions se développent et saignent. C’est pourquoi l’endométriose est qualifiée de maladie œstrogèno-dépendante.

Qu’est-ce que l’endométriose ? – animation pédagogique – 45 sec. – 2019 

L’endométriose en chiffres

Environ 10 % des femmes de la population générale présentent une endométriose. La grande majorité des cas (68,3 %) sont observés chez des femmes âgées de 25 à 49 ans, contre moins de 4 % chez les femmes de moins de 25 ans et 27,8 % chez celles de 50 ans et plus.

Une étude conduite par Santé publique France a montré que le risque de prise en charge hospitalière pour une endométriose chez les femmes de 25 à 49 ans a augmenté de 10,4 % entre 2011 à 2017. Ce résultat ne signifie pas forcément que la maladie est plus fréquente qu’avant : il pourrait refléter l’effet d’une sensibilisation accrue des patientes et des praticiens à l’existence de cette pathologie, le recours plus fréquent à l’imagerie pour le diagnostic ou encore une évolution des pratiques chirurgicales dans le cadre de son traitement.

Trois formes de la maladie, selon la localisation des lésions

Selon la Haute autorité de santé et le Collège national des gynécologues et obstétriciens de France, trois formes d’endométriose sont décrites :

  • L’endométriose superficielle est caractérisée par la présence de fragments d’endomètre localisés à la surface du péritoine.
  • L’endométriose ovarienne correspond à la présence de lésions qui vont conduire à la formation de kystes de l’ovaire (également appelée endométriome).
  • L’endométriose pelvienne profonde correspond quant à elle à la présence de lésions localisées en profondeur, à plus de 5 mm sous la surface du péritoine. Les localisations les plus fréquentes sont les ligaments utérins (50 % des cas), l’intestin (incluant le rectum, 20 à 25 % des cas), le vagin (15 %), la vessie (10 %), les uretères (3 %). D’autres organes peuvent aussi être touchés : le côlon, l’appendice et l’iléon terminal.

Il existe également des formes rares d’endométriose extra-pelvienne, touchant par exemple le diaphragme ou le thorax.

Il n’y a pas de corrélation entre le type d’endométriose et l’intensité de la douleur.

L’adénomyose

Cette maladie correspond à une forme d’endométriose interne à l’utérus. Chez les femmes qui en sont atteintes, des cellules de l’endomètre infiltrent le myomètre, c’est-à-dire le muscle de la paroi utérine.

Une origine mal comprise

Les mécanismes qui conduisent au développement de l’endométriose restent mal connus. Toutefois, l’hypothèse principale est celle des menstruations rétrogrades : au cours des règles, du sang menstruel peut remonter, passer par les trompes au lieu de s’écouler par voie vaginale, et parvenir à la cavité abdominale. Il transporte avec lui des cellules d’endomètre. Celles-ci peuvent s’implanter et générer des « foyers endométriaux », provoquant une réaction inflammatoire et des lésions. Le risque de développer la maladie est d’ailleurs plus élevé chez les femmes les plus « exposées » aux menstruations, en raison de règles précoces (avant 12 ans), de cycles menstruels courts ou encore de règles abondantes.

Néanmoins, les cliniciens estiment que 90 % des femmes présentent des saignements rétrogrades alors que seulement 10 % des femmes développent des lésions d’endométriose. D’autres facteurs interviennent donc dans le développement de cette maladie, en particulier des prédispositions génétiques et des anomalies du système immunitaire qui laissent les cellules endométriales s’implanter à des endroits inappropriés.

Plusieurs grandes études ont conduit à l’identification de variants génétiques significativement associés à la maladie. Toutefois, Ils expliquent moins de 10 % des cas d’endométriose et les femmes porteuses de variants à risque ont une forte probabilité de ne pas développer la maladie. Ces données génétiques ne peuvent donc pas être utilisées comme marqueurs de risque dans la pratique clinique. En revanche, elles sont utiles aux chercheurs pour appréhender les mécanismes biologiques liés à l’endométriose et tenter de découvrir de nouvelles approches thérapeutiques. 

L’existence d’un dysfonctionnement du système immunitaire est suspectée en raison des diverses altérations qui ont déjà pu être décrites : inflammation chronique, présence accrue de lymphocytes T régulateurs, macrophages altérés qui jouent un rôle dans l’apparition des lésions... Néanmoins, il est trop tôt pour savoir s’il s’agirait d’un facteur qui favorise le développement d’une endométriose, ou d’une conséquence de la maladie. Plusieurs études en cours tentent d’élucider les mécanismes en cause.

Les chercheurs soupçonnent par ailleurs un possible impact de certaines expositions environnementales. En tant que maladie hormonodépendante, l’endométriose pourrait être liée à une exposition aux perturbateurs endocriniens, des polluants environnementaux qui interagissent avec le système hormonal. Pour étudier une éventuelle corrélation entre l’apparition de la maladie et l’exposition à certains polluants environnementaux, l’endométriose fait l’objet d’une surveillance nationale dans le cadre de la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens coordonnée par Santé publique France. Cette surveillance passe en particulier par le suivi de l’évolution de l’incidence de la maladie, réalisé depuis 2011.

Enfin, le risque d’endométriose est augmenté chez les femmes qui ont un faible indice de masse corporelle (IMC) ou un petit poids de naissance.

Les symptômes : douleur et infertilité

L’endométriose peut induire des douleurs et/ou une infertilité.

Le symptôme majeur est une douleur pelvienne récurrente et parfois très aiguë, notamment au moment des règles. Ce caractère cyclique est évocateur du « fonctionnement » de la maladie. Les lésions d’endométriose sont en effet sensibles aux hormones féminines et se comportent comme du tissu utérin : elles vont donc proliférer, saigner à chaque cycle menstruel et des cicatrices fibreuses vont peu à peu se développer autour des lésions. Chez certaines patientes, une importante innervation des lésions pourrait contribuer aux douleurs extrêmes parfois ressenties. En dehors de la période des règles, les patientes peuvent également ressentir des douleurs abdominales, souffrir lors des rapports sexuels (dyspareunie), ou encore lorsqu’elles urinent (dysurie) ou défèquent (dyschézie). 

Parfois, la maladie reste indolore et peut alors passer inaperçue. Dans ce cas, elle est fréquemment découverte de façon fortuite alors que la patiente consulte en raison d’une difficulté à concevoir un enfant. Environ 30 % à 40 % des femmes touchées par l’endométriose présente une infertilité, avec des taux de fécondité (chance de concevoir) évalués à entre 2 et 10 % par cycle, contre 25 à 30% au sein des couples fertiles. Le taux de grossesse spontanée en cas d’infertilité liée à une endométriose est de 36 % à 3 ans, contre 55 % chez les couples qui présentent une infertilité inexpliquée. Le lien entre endométriose et infertilité fait l’objet de travaux de recherche, mais plusieurs hypothèses sont d’ores et déjà formulées. La présence d’amas de tissus endométriaux, et notamment celle de kystes ovariens ou de lésions sur les trompes de Fallope, peut créer une barrière mécanique à la fécondation. Des études récentes montrent par ailleurs que l’endomètre des patientes présente des profils hormonaux et d’expression des gènes anormaux. Il se pourrait donc que l’utérus des patientes présente des caractéristiques défavorables à l’implantation d’un embryon. L’infertilité pourrait également être liée à une altération du capital ovocytaire (nombre d’ovocytes présents dans les ovaires) ou encore à l’inflammation intrapéritonéale et à sa toxicité sur les gamètes.


Endométriose et cancer ?

La littérature scientifique suggère des liens entre l’endométriose et certains types de cancer. En effet, chez les femmes atteintes d’endométriose, le risque de développer un cancer de l’ovaire est multiplié par 2. Le risque de cancer du sein est augmenté de 4 % et celui de cancer de la thyroïde de 39 %. En revanche, il n’y a pas d’association entre l’endométriose et le risque de cancer colorectal. Et concernant le cancer du col de l’utérus, le risque est même diminué de 32 %, probablement en raison d’une surveillance gynécologique accrue. L’une des hypothèses pour expliquer ces associations est celle d’un système immunitaire déficient, en partie responsable de l’endométriose et d’une inflammation locale, qui pourrait être moins efficace pour lutter contre la transformation maligne de cellules.

Cependant, il est important de noter que le risque absolu de développer ces cancers en cas d’endométriose reste faible et peu différent du risque observé dans la population générale. Par exemple, le risque absolu de cancer de l’ovaire dans la population générale est de 1,3 % (1,3 femmes sur 100 développeront un cancer de l’ovaire au cours de leur vie) et de 2,5 % chez les femmes atteintes d’endométriose : autrement dit 97,5 % d’entre elles ne développeront pas de cancer de l’ovaire.


Le diagnostic de l’endométriose

Il n’existe pas de dépistage de la maladie en population générale. La maladie n’est recherchée que chez les patientes qui présentent des symptômes. 

Le diagnostic repose sur un examen clinique puis sur un bilan d’imagerie qui comporte une échographie pelvienne et éventuellement une IRM pelvienne. Mais lorsque les lésions sont superficielles ou minimes, l’imagerie peut être non concluante.

En cas de douleurs intenses et résistantes à un traitement médicamenteux bien conduit ou en cas de désir de grossesse, il est alors recommandé de procéder à une cœlioscopie (technique chirurgicale limitant les incisions de la paroi abdominale) pour prélever le tissu supposément endométrial afin d’éliminer les lésions potentielles et de confirmer le diagnostic. Toutefois, cet examen invasif est inutile en l’absence de lésions. D’autres approches sont en développement pour poser un diagnostic de façon non invasive.

Quel traitement pour l’endométriose ?

Le traitement de l’endométriose vise à réduire les symptômes ressentis par la patiente, puis, en cas d’échec, à éliminer les lésions.

En première intention, un traitement hormonal destiné à supprimer les règles (contraceptifs œstroprogestatifs monophasiques en continu, progestatifs, danazol ou analogues de la GnRH) est proposé aux patientes. Ce traitement réduit les douleurs liées à la réponse hormonale des lésions d’endométriose. Il peut permettre de stabiliser les lésions, voire de diminuer légèrement leur volume.

En cas d’échec des traitements hormonaux, la chirurgie est le seul traitement qui permet l’élimination complète des lésions associées à l’endométriose. Les symptômes douloureux peuvent alors disparaître pendant de nombreuses années, voire définitivement. Toutefois, il existe toujours un risque de récidive, et il arrive que la chirurgie entraîne par elle-même de nouvelles douleurs. Cette approche peut en outre s’avérer complexe en cas de petites lésions disséminées, ou face à certaines localisations pour lesquelles l’intervention risque d’entraîner des séquelles fonctionnelles (par exemple une incontinence ou des fistules, c’est-à-dire la fusion de la paroi de deux organes).

Enfin, en cas de désir de grossesse et face à une infertilité, une assistance médicale à la procréation peut être proposée. Cette prise en charge passe notamment par l’insémination artificielle en cas d’endométriose légère à modérée, ou par la fécondation in vitro en cas d’endométriose plus importante.

Des centres experts

Pour mieux prendre en charge la maladie, des filières de soins dédiées à l’endométriose se mettent en place en France sous la responsabilité des Agences régionales de santé. Elles incluent tous les niveaux de prise en charge depuis la médecine scolaire et les médecins de ville, jusqu’aux centres experts. Chaque soignant impliqué signe une charte d’adhésion à la filière.

Au sommet de ces filières se trouvent des centres experts labellisés : hospitaliers universitaires ou cliniques qui prennent en charge les cas complexes, coordonnent les réseaux de soin, mènent des actions de formation pour les soignants, et développent des projets de recherche : 

Règles et douleur – Interview – 4 min 38 – Film extrait de la série POM Bio à croquer, 2013 

La stratégie nationale de lutte contre l’endométriose

Lancée en 2022 par le gouvernement, cette stratégie repose sur 3 axes majeurs pour améliorer la prise en charge de l’endométriose :

  • Développer la recherche pour mieux comprendre cette pathologie et identifier les traitements les plus adaptés. L’Inserm est fortement impliqué dans cet axe (voir ci-dessous)
  • Former les professionnels (adaptation de la formation initiale depuis 2020 et formation continue pour les professionnels en exercice) et sensibiliser le grand public.
  • Développer les filières de soins régionales pour faciliter l’accès aux soins (voir encadré ci-dessus).

Les enjeux de la recherche

Les chercheurs tentent de mieux comprendre les mécanismes de cette maladie complexe et ses liens avec l’infertilité ou avec d’autres pathologies.

Mieux connaître l’épidémiologie et l’évolution de la maladie

Mieux comprendre les facteurs de risque de la maladie et son évolution est un préalable à une meilleure prise en charge de l’endométriose. Dans cet objectif, le projet d’envergure Epi-Endo – financé par France 2030 dans le cadre du programme de recherche Santé des femmes, santé des couples – est coordonné par Marina Kvaskoff au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (unité Inserm 1018). Il va permettre de générer des données sur l’endométriose à partir de six grandes cohortes prospectives françaises en population générale, trois chez l’adulte (Constances, E3N-Générations et NutriNet-Santé) et trois cohortes mères-enfants (EDEN, PELAGIE et Elfe). Les données collectées vont permettre de préciser les chiffres de la maladie en France. Alliées au suivi longitudinal (suivi des participants sur un temps long) et aux données d’exposition de ces cohortes (différents types d’expositions sont documentées : environnementales, alimentaires...), elles permettront également d’étudier les facteurs de risque environnementaux et génétiques de l’endométriose.


La recherche participative avec ComPaRe-Endométriose

ComPaRe est une e‑cohorte de patients adultes qui souffrent de maladies chroniques (asthme, diabète, cancer, vitiligo, endométriose…), volontaires pour répondre régulièrement à des questionnaires en ligne sur leur maladie et leurs traitements, afin de faire avancer la recherche. ComPaRe-Endométriose, ouverte en 2018, comprend uniquement les participantes de ComPaRe atteintes d’endométriose et/ou d’adénomyose. Environ 10 000 femmes participent déjà et le recrutement reste ouvert à de nouvelles volontaires (s’inscrire en ligne pour participer). À terme, les données recueillies permettront de mieux comprendre la progression de l’endométriose et son hétérogénéité, ainsi que de documenter le vécu des patientes.

Les volontaires ont notamment été interrogées sur leurs souhaits concernant la prise en charge de la maladie. Elles réclament prioritairement une meilleure connaissance et reconnaissance de la maladie de la part des professionnels de santé, une plus grande bienveillance médicale, et l’amélioration des traitements spécifiques contre la maladie (lire le communiqué de presse)


Étudier les facteurs de risque génétiques

Les chercheurs travaillent aussi à l’identification de gènes de susceptibilité à l’endométriose, de manière à découvrir des marqueurs de risque, mais aussi pour mieux comprendre les mécanismes de la maladie en élucidant leur rôle. Un important travail est réalisé depuis une dizaine d’années grâce à des cohortes de patientes. Il a déjà permis d’identifier divers variants associés à l’endométriose, ainsi que des anomalies épigénétiques (des modifications chimiques de l’ADN qui entraînent des différences dans l’expression des gènes sans altérer la séquence de l’ADN). Ce travail se poursuit.

Une équipe Inserm a récemment identifié un polymorphisme dans le gène PCSK5 (Proprotéine convertase subtilisine/kexine type 5) caractérisé par des répétitions de séquences simples d’ADN, validant de précédents résultats d’une équipe chinoise. Le fait de présenter plus de 34 répétitions est fortement associé à l’endométriose et à une infertilité. Les causes et conséquences de ce phénomène sont à l’étude dans le but de mieux comprendre la physiopathologie de l’endométriose.

Des chercheurs s’intéressent aussi au gène NRSP1, pour lequel un variant particulier est associé à des cas d’endométriose. Le risque de développer la maladie serait augmenté de 23 % chez les femmes porteuses de ce variant. Le gène NRSP1 code pour un récepteur au neuropeptide S présent dans l’endomètre. Inhiber ce récepteur dans un modèle murin d’endométriose a réduit l’inflammation locale et les douleurs abdominales. La découverte de ce gène a donc ouvert la voie au développement d’un traitement ciblé non hormonale.

Identifier les anomalies immunitaires

Un dysfonctionnement immunitaire joue un rôle dans la maladie. Il pourrait être à l’origine du développement de l’endométriose, ou sa conséquence et entretenir le développement des lésions. Explorer ces dysfonctionnements pourrait apporter des pistes prometteuses pour mettre au point des traitements innovants. C’est l’objectif d’une équipe Inserm avec le projet MultiMENDo (pour Analyse multiomique du sang de règles pour mieux diagnostiquer, comprendre et traiter l’endométriose) coordonné par Ludivine Doridot à l’Institut Cochin (unité Inserm 1016). À partir d’une cohorte de 250 femmes, les chercheurs étudient les saignements menstruels (règles) de femmes atteintes ou non d’endométriose, en particulier leur contenu en cellules d’endomètre et en cellules immunitaires utérines. L’objectif est d’identifier des caractéristiques moléculaires et cellulaires, notamment immunitaires, associées à l’endométriose et aux différents niveaux de sévérité de la maladie. Ce projet aidera à mieux comprendre la maladie et découvrir des marqueurs diagnostics et/ou prédictifs de son évolution, et proposer de nouvelles cibles thérapeutiques.

À lire aussi : Ludivine Doridot défriche le champ de l’endométriose

Un rôle du microbiote ? 

La flore bactérienne de l’endomètre est devenue une cible d’intérêt pour les chercheurs depuis la découverte d’une bactérie associée à l’endométriose. En effet, une étude japonaise a observé que deux tiers des femmes atteintes d’endométriose – mais moins de 10 % des femmes indemnes de la maladie – présentaient une infiltration d’une bactérie appelée Fusobacterium dans leur endomètre. Cette infection est directement responsable de la transition de cellules de l’endomètre, statiques, en cellules mobiles. Cette transition passe par l’activation d’un gène de mobilité appelé transgéline. L’inoculation de Fusobacterium dans un modèle murin d’endométriose a entraîné une augmentation significative du nombre et de la taille des lésions endométriosiques détectées chez les animaux. À l’inverse, un traitement antibiotique ciblant Fusobacterium a réduit ces lésions. Ces résultats suggèrent que l’éradication de Fusobacterium pourrait être une piste à étudier pour le traitement de l’endométriose.

Améliorer la fertilité des femmes atteintes

Des chercheurs évaluent différentes approches pour améliorer la fertilité des femmes atteintes d’endométriose. Une étude conduite à l’hôpital Tenon à Paris (PREFENDO) porte par exemple sur la cryopréservation ovocytaire en cas d’endométriose chez des femmes sans désir de grossesse immédiat. L’objectif est d’évaluer, selon le type d’endométriose, l’intérêt de cette approche pour donner aux patientes la possibilité d’avoir plus tard au moins un enfant. Une autre étude, menée à l’hôpital Cochin, a montré que les femmes qui ont été traitées par chirurgie pour une endométriose ovarienne présentent une plus faible réserve ovarienne : pour ces patientes une préservation de la fertilité est à envisager avant l’intervention. Une autre étude (ENDOFERT), en cours au CRHU de Lille, compare l’impact sur la fertilité d’une chirurgie complète de l’endométriose profonde avant la procréation médicalement assistée (PMA), à celui de la PMA seule. Les auteurs évaluent les chances de tomber enceinte dans les deux groupes après deux tentatives de fécondation in vitro.

D’autres travaux portent sur le déroulement des grossesses des femmes atteintes d’endométriose et leurs risques de complications. Une revue de la littérature sur ces questions indique un risque accru de fausse-couche chez ces femmes (risque augmenté de 30 % et multiplié par plus de trois en cas d’adénomyose). L’endométriose semble également associée à davantage de complications à la naissance : une augmentation du risque d’accouchement prématuré (retrouvée dans certaines études mais pas dans d’autres), un doublement du risque de césarienne, ou encore une augmentation de 30 % de risque d’hospitalisation du nouveau-né.

Endométriose et autres maladies

Des chercheurs étudient par ailleurs les éventuels liens entre l’endométriose et d’autres maladies :

Ainsi, certaines études suggèrent l’existence d’une association entre l’endométriose et des maladies auto-immunes comme le lupus érythémateux, la polyarthrite rhumatoïde ou encore la sclérose en plaques : reste à étudier ces associations et, le cas échéant, à en rechercher les mécanismes.

D’autres travaux portent sur le lien entre endométriose et maladies cardiovasculaires. Une analyse des données de six cohortes incluant au total 254 929 femmes a montré que l’endométriose est associée à un surrisque de 50 % de cardiopathie ischémique (anomalie d’afflux de sang dans l’artère coronaire) et de 17 % de maladie cérébrovasculaire (anomalie d’afflux de sang dans le cerveau). Reste à déterminer si l’endométriose et/ou ses traitements sont des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires.

Enfin, des études précliniques (sur des souris) ont montré que les lésions d’endométriose sont plus étendues lorsque les taux d’hormones thyroïdiennes sont plus élevés. Une analyse rétrospective conduite chez des patientes atteintes d’endométriose a révélé des douleurs pelviennes chroniques plus intenses et un score de l’endométriose plus élevé chez celles qui présentent un trouble de la fonction thyroïdienne.

Améliorer la chirurgie et développer des alternatives

Concernant le traitement chirurgical de l’endométriose, plusieurs équipes proposent des interventions de plus en plus conservatrices (qui entraînent peu de dommages sur les sites d’implantation des lésions endométriales) et de moins en moins invasives. Une expérimentation qui se fonde sur l’utilisation d’ultrasons (HIFU : ultrasons focalisés de haute intensité) a lieu au CHU de Lyon pour le traitement des lésions digestives. Les ondes sont administrées par une sonde introduite par voie rectale, et focalisées sur les lésions : ces dernières sont ainsi « dévitalisées » et deviennent insensibles au cycle hormonal, sans porter atteinte à l’intégrité du tube digestif et sans cicatrice. La procédure est évaluée dans le cadre d’un protocole de recherche clinique. Quatre patientes ont déjà été traitées avec succès : elles rapportent une diminution significative de leurs douleurs sans aucun traitement médical depuis la procédure. 

Rechercher des facteurs de risque environnementaux

Les perturbateurs endocriniens sont suspectés d’augmenter le risque d’endométriose. Toutefois leurs impacts sont parfois complexes à établir en raison des difficultés méthodologiques pour statuer sur l’effet d’une substance en particulier dans le cadre d’expositions environnementales multiples. Une étude a établi un lien – avec un faible niveau de preuve – entre l’endométriose et l’exposition à des composés organochlorés (pesticides, PCB, dioxines…). L’étude ENDOTOX s’intéresse quant à elle au rôle éventuel des retardateurs de flamme bromés. Ses résultats n’ont pas encore été publiés. Le projet EPI-ENDO (décrit plus haut) a également pour objectif d’étudier l’impact de l’exposition aux polluants environnementaux sur le risque d’endométriose.

Faciliter le diagnostic

Des laboratoires et des entreprises privées travaillent au développement de techniques de diagnostic précoce de l’endométriose grâce à l’utilisation de marqueurs biologiques, d’imagerie médicale, de questionnaires, ou en associant plusieurs de ces approches.

L’intérêt d’un test salivaire (Endotest®) pour permettre de réduire le nombre de cœlioscopies inutiles est actuellement évalué. Ce test repose sur la détection dans la salive d’une combinaison de 109 microARN associée au diagnostic d’endométriose. Une étude conduite sur 1 000 patientes qui présentent des symptômes est en cours. Les résultats obtenus avec les 200 premières patientes de cette cohorte ont été publiés en 2023 : le test a permis de détecter 96 % des cas, avec un taux d’erreur de 5 % chez les femmes non diagnostiquées par les méthodes alternatives (imagerie, chirurgie). Afin d’évaluer plus précisément l’intérêt de ce test dans la pratique clinique, il sera disponible en accès précoce en France en 2025, pour les femmes chez lesquelles une endométriose est suspectée mais les examens d’imagerie sont non concluants (remboursement via un forfait innovation du gouvernement).

🔎 À lire aussi : Diagnostiquer l’endométriose avec un test salivaire, vraiment ? Un point sur les nouvelles données (Canal Détox du 23/06/23)

Le projet international EndoSearch vise à rechercher d’autres biomarqueurs spécifiques de la maladie, à partir d’échantillons d’endomètre et de sang menstruel recueillis chez environ 1 000 femmes atteintes ou non d’endométriose. L’identification d’une signature de biomarqueurs permettrait de développer un test de dépistage sanguin fiable.

À l’hôpital de Poissy, une équipe a développé un auto-questionnaire (DEVA) pour favoriser le diagnostic précoce en soins primaires. Quelques questions sur les symptômes douloureux permettent la détection des formes moyennes à sévères de la maladie avec une spécificité de 98 % chez des femmes âgées de 18 à 45 ans. L’outil a été validé scientifiquement. Il est disponible en ligne.

À l’hôpital Cochin, une autre équipe a établi un score clinique indiquant la probabilité d’endométriose à partir des réponses des patients à un auto-questionnaire. Cinq symptômes douloureux (dysménorrhée, dyspareunie, douleurs d’origine gastro-intestinale, douleurs urinaires et douleurs pelviennes chroniques non cycliques) ont été évaluées à l’aide d’échelles visuelles analogiques cotées de 0 à 10, permettant de développer ce score qui prédit la maladie de manière fiable.

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