Toxicologie : L’e‑cigarette dans le viseur

Si les méfaits du tabac ne sont pas discutables, les effets de la « vape » sur la santé restent à éclaircir. C’est précisément l’objet de travaux conduits dans un laboratoire stéphanois, où les chercheurs exposent des cellules pulmonaires à la vapeur produite par différentes cigarettes électroniques et e‑liquides.

Gros plan sur un homme qui vapote

Clément Mercier nous attend sur le parvis des locaux flambants neufs du laboratoire Sainbiose à Saint-Étienne. Le jeune ingénieur de recherche concentre ses efforts sur un objet maintenant bien connu : la cigarette électronique. Pour certains, c’est une alternative à la cigarette classique ; pour d’autres, c’est une porte d’entrée vers le tabagisme. Si les méfaits de la cigarette pour la santé sont reconnus, ceux de l’e‑cigarette restent à approfondir scientifiquement. En effet, la diversité des e‑liquides avec lesquels on les remplit et l’immense choix de leurs arômes demandent de multiplier les études pour déterminer la toxicité de chaque produit. Car la vapeur épaisse et parfumée qu’ils permettent de produire contient de nombreux composés volatils, dont certains sont néfastes lorsqu’ils sont chauffés. Pour étudier les effets de la vape, les chercheurs vont exposer des cellules de poumons à différentes vapoteuses, et déterminer leur niveau de nocivité. Bienvenue dans un labo où il n’y a pas de fumée sans eux.

Une main gantée manipule une pipette automatique pour remplir les petits puits d'une plaque en plastique d'un liquide coloré.

Première étape, le chercheur dépose des cellules pulmonaires humaines dans un insert, dans lequel on ajoute un milieu de culture (rouge). Elles sont ensuite cultivées dans une chambre qui les maintient à 37 degrés, la température du corps.

Après quelques jours, les cellules sont exposées à la fumée d’une cigarette électronique, grâce à un « robot à vapoter ». L’e‑cigarette est raccordée sur le côté, et un piston vient aspirer la fumée en imitant le geste d’un fumeur : une bouffée de 3 secondes toutes les 30 secondes. À la manip’ : Clément Mercier et Ghalia Kaouane, respectivement ingénieur de recherche et ingénieure d’étude.

Une femme en blouse de labo insère un tube en plastique sur une cigarette électronique pour la relier à un dispositif compliqué qui fait un peu "bricolé". Un homme ganté, lui aussi en blouse, utilise une petite pince pour déplacer un des petits inserts de la plaque de la photo précédente vers une autre plaque, en métal.
La plaque métallique de la photo précédente forme le plancher d'un cube clos et vitré. Un tube en plastique entre dans le cube par sa face supérieur. Il en sort de la vapeur épaisse.

Voici une « chambre d’exposition » : la fumée de la cigarette est soufflée sur les cellules pulmonaires placées dans le fond de la boîte. Le but : reproduire ce qu’il se passe dans les poumons d’un fumeur lorsqu’il vapote.

Le même homme que précédemment utilise une pipette automatique pour mettre un liquide bleu dans les petits inserts qui sont à nouveau dans des plaques en plastique.

Après cette étape, les cellules sont soumises à un test de viabilité. Autrement dit, on vérifie si elles fonctionnent toujours normalement. Pour cela, les cellules sont recouvertes d’un produit coloré. Si ces dernières sont viables, elles « digèrent » le produit et deviennent rose clair. Mais lorsque leur métabolisme est altéré à cause de l’exposition aux composés toxiques de la fumée, elles dégradent mal le produit et celui-ci ne change pas de couleur.

Dernière étape, Ghalia Kaouane dose la quantité de nicotine entrée dans les cellules pulmonaires exposées. Une manœuvre réalisée à l’aide d’un spectromètre de masse, un appareil hautement sensible capable d’identifier des molécules en mesurant leur masse.

La femme vue précédemment place une plaque en plastique dans un assez gros appareil gris.

De nouveaux e‑liquides, arômes et modèles d’e‑cigarettes arrivent sur le marché en permanence. Les chercheurs doivent donc renouveler leur étude de toxicité à chaque nouveau produit. Ils ont ainsi pu déterminer que les composés présents dans certains arômes comme la cannelle ou la menthe sont plus toxiques que d’autres. Dès l’an prochain, l’équipe de recherche inclura des vapoteurs volontaires pour prolonger l’étude sur la toxicité des e‑cigarettes.

Reportage réalisé dans le laboratoire Sainbiose (unité 1059 Inserm/Mines ParisTech/Université Jean-Monnet ‑Saint-Étienne), équipe Dysfonctions vasculaires et hémostase, groupe Particules inhalées. À retrouver dans le magazine de l’Inserm n°62.

Photos : Inserm/François Guénet
Auteur : B. S.

À lire aussi

Plusieurs millions de personnes concernées en France