Nils Kolling décrypte les prises de décisions

Nils Kolling, chercheur Inserm à l’Institut cellule souche et cerveau (SBRI) à Lyon, étudie les mécanismes cérébraux de la motivation et de la planification qui guident nos décisions. Il bénéficie d’un important financement européen (ERC Starting Grant) pour les décrire et développer des modèles de simulation informatiques. À terme, ce travail pourrait servir le domaine de la psychiatrie.

Nils Kolling dirige l’équipe Cognition écologique et neurocomputation, à l’Institut cellule souche et cerveau (unité 1208 Inserm/Université Claude-Bernard – Lyon 1) à Bron @Nils Kolling

Nils Kolling a fait les bons choix. Lui qui étudie depuis des années les processus associés aux prises de décisions, n’a pas hésité à parier dès le début de ses études sur la double formation en physiologie et en psychologie de l’université d’Oxford au Royaume-Uni. Alliant médecine et recherche, elle lui a ouvert les portes de son domaine de prédilection : l’étude des mécanismes de la motivation et des comportements associés. « J’ai toujours été intrigué par les processus cérébraux qui guident nos choix », se remémore-t-il. Toujours à Oxford, Nils Kolling décroche son doctorat en neurosciences dans le département de psychologie expérimentale, puis il obtient un poste chercheur. Il commence alors à décrypter les mécanismes neuronaux de la prise de décision grâce à différentes techniques d’analyse de l’activité cérébrale, en collaboration avec d’autres équipes qui travaillent sur des modèles animaux.

Au cours de ces années, il fait également au moins deux rencontres importantes : sa future femme qui travaille sur les mêmes thématiques que lui, et un collègue français alors en poste à Oxford. Ce dernier lui présente le fonctionnement de la recherche dans l’Hexagone, ce qui va déclencher un tournant dans sa carrière. À cette époque, en 2018, Nils Kolling fréquente en effet les bancs et les laboratoires d’Oxford depuis plus de dix ans. Il apprécie beaucoup son laboratoire, dans lequel il a tant appris, mais il a le sentiment qu’il est peut-être temps d’aller de l’avant et de monter sa propre équipe.

D’Oxford à Lyon

Rester ? Partir ? Le chercheur se pose la question et le système français tel que décrit par son collègue le tente. « Il nous a parlé d’une certaine liberté académique et d’un temps passé en laboratoire conséquent par rapport à celui consacré à l’enseignement. À Oxford, c’était plutôt l’inverse. Et les orientations scientifiques devaient permettre un retour rapide sur investissement, en matière de résultats et de publications, pour qu’on puisse espérer un renouvellement de financements tous les trois ans. » Plus de temps pour la recherche, une ouverture à une certaine prise de risque et davantage de place à la créativité : autant d’atouts qui décident Nils Kolling à tenter sa chance en France. Il postule alors à l’Institut cellule souche et cerveau (SBRI) de Lyon où sa candidature est retenue.

Arrivé à Lyon en 2022, il monte son équipe, Cognition écologique et neurocomputation, pour étudier l’ensemble du processus décisionnel au cours du temps, dans un contexte global. « Nous voulons comprendre comment le cerveau humain met en œuvre une prise de décision et planifie des choix guidés par la récompense, en fonction d’évolutions cognitives et environnementales tels que des changements dans les connaissances associées à ce choix ou une modification des récompenses attendues, décrit-il. Ce qui nous intéresse, c’est vraiment de comprendre ce qui se passe en vie réelle. » Pour cela, le laboratoire développe des jeux numériques qui permettent de recueillir des données sur les choix des joueurs. Associées à l’imagerie cérébrale, ces données vont servir à décrire précisément les mécanismes cérébraux mis en œuvre lors des prises de décision.

L’Europe accélérateur de recherche

Pour accélérer ses recherches, Nils Kolling a monté le projet FORAGINGCORTEX, lauréat en 2022 d’un financement du Conseil européen de la recherche d’1,6 million d’euros pour cinq ans (ERC Starting grant). « Cette récompense est une reconnaissance forte de la qualité de nos travaux antérieurs, de l’intérêt de la thématique et des promesses d’amélioration des connaissances dans ce domaine », estime-t-il. Le projet va chercher à identifier les éléments clés d’un comportement complexe, intelligent et adaptatif. Son objectif ultime est de construire des modèles in silico (informatiques), capables d’associer des comportements décisionnels aux processus cérébraux qu’ils mettent en jeu. À terme, l’ensemble du travail de Nils Kolling et de son équipe devrait servir le domaine de la psychiatrie en aidant à comprendre certains comportements, par exemple en cas de troubles obsessionnels compulsifs ou de troubles de l’humeur, ainsi que les mécanismes sous-jacents. En décortiquant ces derniers, « il pourrait même devenir possible de moduler des prises de décisions aberrantes par de la neurostimulation », entrevoit-il.


Nils Kolling dirige l’équipe Cognition écologique et neurocomputation, à l’Institut cellule souche et cerveau (unité 1208 Inserm/Université Claude-Bernard – Lyon 1) à Bron.


Autrice : A. R.

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David Thura