Guillaume Canaud, Prix Innovation 2024

Néphrologue à l’Institut Necker-Enfants malades à Paris, Guillaume Canaud reçoit le Prix Innovation de l’Inserm pour son audace et sa persévérance. Avec toute son équipe, le médecin-chercheur a redonné l’espoir à des personnes atteintes d’une maladie rare très sévère en leur proposant un premier et unique traitement efficace.

Guillaume Canaud © Inserm/François Guénet
Guillaume Canaud, unité 1151 Inserm/CNRS/Université Paris-Cité, Institut Necker-Enfants malades, Paris © Inserm/François Guénet

Converti aux maladies rares

Voilà une belle histoire. Celle d’un chercheur Inserm qui a entraîné son équipe dans la découverte inopinée d’un traitement pour des personnes atteintes d’une maladie rare redoutable. Ce chercheur, c’est Guillaume Canaud, néphrologue de formation et docteur en sciences. Après ses études de médecine et un postdoctorat à Boston, il s’installe à l’hôpital Necker en tant que maître de conférences des universités-praticien hospitalier. Il y reçoit des patients atteints de maladies rénales et y crée son équipe de recherche Inserm grâce à une bourse du Conseil européen de la recherche (ERC) d’un million et demi d’euros. Il se destine à l’exploration d’une voie moléculaire dysfonctionnelle dans l’insuffisance rénale chronique qui implique une protéine, PIK3CA, et le gène qui lui correspond. « Ce projet était dans la continuation de mes premières recherches effectuées en thèse et en postdoctorat. Mais un jour de 2015, un évènement a rebattu les cartes. » Le néphrologue reçoit alors en consultation un jeune homme de 27 ans qui souffre d’une insuffisance rénale chronique doublée d’une maladie rare, le syndrome de Cloves, responsable d’excroissances sur différents organes et tissus. Très sévèrement atteint, son pronostic vital est sombre.

Le patient qui a tout changé

« Cette rencontre m’a ébranlée. Je voulais agir pour ce patient. Je suis rentré au laboratoire et ai fait des recherches sur ce syndrome. » Guillaume Canaud découvre qu’il est justement lié à une mutation dans le gène de la protéine PIK3CA. Il pense qu’inhiber celle-ci chez le patient pourrait améliorer son pronostic. Il se rapproche alors d’un laboratoire pharmaceutique qui développe un inhibiteur de PIK3CA dans le domaine de la cancérologie. Il obtient ainsi de haute lutte, auprès du laboratoire et de l’agence française du médicament, un accès compassionnel à la molécule, qui semble représenter la seule solution thérapeutique : il va pouvoir la tester même si elle n’est pas prévue pour cette pathologie.

En parallèle, il réoriente les recherches de son équipe sur ce syndrome de Cloves. « Nous avons développé un modèle murin qui mime les symptômes de ce patient pour étudier la formation des excroissances, les mécanismes physiopathologiques, et décrire l’ensemble des manifestions. Finalement la bourse de l’ERC a servi à cela ! » L’équipe publie rapidement des premiers résultats et la santé du jeune patient s’améliore.

Dépasser le cadre compassionnel

Rapidement, une cinquantaine de patients se rend à l’hôpital Necker et demande à bénéficier du traitement. Et près de 3 000 malades et médecins dans le monde contactent l’équipe pour avoir des informations sur la maladie et cette innovation thérapeutique. Guillaume Canaud décide d’interrompre ses consultations de néphrologie pour prendre en charge des personnes atteintes d’un syndrome de Cloves ou de maladies apparentées. « Avec mon équipe nous avons découvert d’autres mutations, développé de nouveaux modèles animaux, documenté un grand nombre de cas, et planchons sur d’autres repositionnements de médicaments comme ce fut le cas pour cet inhibiteur de PIK3CA. »

Dans le même temps, Guillaume Canaud œuvre, avec d’autres collaborateurs, auprès des agences américaine et européenne du médicament pour faire approuver ce traitement chez les personnes atteintes du syndrome de Cloves et de troubles apparentés. La première octroie cette autorisation en 2022 grâce aux données collectées en vie réelle auprès de 57 cas, dont 44 traités à Necker. La seconde exige une étude clinique contrôlée contre placebo, qui est en cours, mais accepte de poursuivre la délivrance du médicament à titre compassionnel.

Ce médicament est désormais considéré comme le premier et unique traitement dans cette indication. « Je suis la partie visible de l’iceberg mais c’est grâce à toute l’équipe et au soutien de l’Inserm que nous sommes parvenus à cette avancée majeure pour les patients, et c’est tous ensemble que nous recevons avec joie ce Prix Innovation. » Fort de cette expérience, Guillaume Canaud a été choisi en 2023 par le gouvernement pour copiloter le 4e plan national sur les maladies rares.

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