Ludivine Doridot défriche le champ de l’endométriose

Chercheuse Inserm à l’Institut Cochin, Ludivine Doridot étudie une maladie gynécologique qui touche environ 10 % des femmes et peut entraîner des douleurs chroniques ainsi qu’une infertilité : l’endométriose. Dans le cadre d’un projet financé par le Conseil européen de la recherche, elle analyse le sang de règles de femmes qui en sont atteintes pour découvrir des marqueurs diagnostiques et pronostiques de la maladie, mais aussi des nouveaux traitements.

Ludivine Doridot est chercheuse dans l’équipe Pathogénie et traitements innovants des maladies fibro-inflammatoires chroniques à l’Institut Cochin (unité 1016 Inserm/CNRS/Université Paris Cité), à Paris

Dans le vaste champ de la recherche biomédicale, Ludivine Doridot a jeté son dévolu sur l’endométriose. Cette maladie gynécologique est due à la présence de fragments de muqueuse utérine en dehors de l’utérus. Cette anomalie entraîne l’apparition de lésions sur différents organes de la région pelvienne (rectum, vessie, ovaires…) et génère une inflammation, des douleurs et des problèmes de fertilité chez environ 40 % des femmes concernées. Encore méconnue du grand public il y a une dizaine d’années, la maladie touche pourtant environ une femme en âge de procréer sur dix. C’est l’un des facteurs qui a incité Ludivine Doridot à y consacrer ses recherches. « Il y a un décalage entre la fréquence de cette pathologie et les connaissances disponibles à son sujet. On sait encore très peu de choses sur sa survenue et ses mécanismes de progression. Les découvertes à venir peuvent donc avoir un réel impact pour les patientes », estime-t-elle.

La jeune femme a commencé à se familiariser avec ce sujet en 2009, alors qu’elle préparait sa thèse sur la pré-éclampsie (une maladie du placenta) dans un laboratoire de l’Institut Cochin à Paris : d’autres membres de l’équipe s’intéressaient à l’endométriose, encore peu étudiée à l’époque. Après cette expérience, elle s’envole pour les États-Unis, où elle effectue un post-doctorat dans un centre de recherche affilié à la Harvard Medical School, à Boston. Elle y explore le rôle du fructose dans le syndrome métabolique, « une thématique à la mode, bien financée, mais qui ne m’a pas passionnée, reconnaît-elle. Néanmoins, j’ai appris à utiliser de nombreuses techniques d’analyses moléculaires de pointe. » À son retour en France en 2017, elle souhaite revenir à la santé des femmes.

Des cellules humaines

Elle offre donc ses services au laboratoire de l’Institut Cochin qui s’intéresse à l’endométriose et obtient un poste de maîtresse de conférences en physiologie à l’Université Paris-Cité. En parallèle des nombreuses heures de cours qu’elle dispense, d’année en année, son rôle au laboratoire devient plus prégnant. Elle y travaille sur un modèle murin d’endométriose induite, avec plusieurs résultats importants à la clé. La chercheuse confirme par exemple le rôle de l’immunité dans la progression de la maladie, suggéré lors de précédents travaux. Puis sa carrière connaît un tournant en 2022, lorsqu’elle décroche un financement européen (ERC Starting Grant) d’un montant de 1,4 million d’euros sur cinq ans, pour travailler avec des cellules humaines. Son projet, MultiMENDo (pour Analyse multiomique du sang de règles pour mieux diagnostiquer, comprendre et traiter l’endométriose), consiste à monter une cohorte de 250 femmes (avec l’aide de l’AP-HP) afin d’étudier les saignements menstruels de patientes atteintes d’endométriose et de les comparer avec ceux de femmes non touchées par la maladie. « Curieusement, ces fluides ont été très peu étudiés alors qu’ils contiennent à la fois des cellules de l’endomètre et des cellules immunitaires intra-utérines impliquées dans la maladie », souligne-t-elle.

Rien n’est écrit d’avance

À partir de ces échantillons, son équipe compte déterminer le profil d’expression des gènes et la liste des protéines présentes dans chaque cellule. L’objectif est d’identifier des caractéristiques moléculaires et cellulaires associées à l’endométriose et aux différents niveaux de sévérité de la maladie. À terme, la chercheuse entend découvrir des marqueurs diagnostiques et/ou prédictifs de l’évolution de la maladie pour mieux suivre les femmes touchées, et proposer de nouvelles cibles thérapeutiques. Enfin, elle prévoit de développer des organoïdes, de petites structures en trois dimensions obtenues in vitro à partir de cellules de l’endomètre, pour tester de potentiels traitements.

Quand elle regarde en arrière, Ludivine Doridot ne peut s’empêcher de sourire. « Je viens d’un milieu où faire des études supérieures n’avait rien d’évident. Mais j’aimais la biologie et j’avais de bonnes notes. Avec l’encouragement de ma famille, je n’ai rien lâché et de fil en aiguille je suis devenue chercheuse. Ce portrait, c’est un peu l’occasion de dire à toutes les jeunes filles qui pensent que la recherche ne leur est pas accessible que rien n’est écrit d’avance », constate-t-elle en guise de conclusion.


Ludivine Doridot est chercheuse dans l’équipe Pathogénie et traitements innovants des maladies fibro-inflammatoires chroniques à l’Institut Cochin (unité 1016 Inserm/CNRS/Université Paris Cité), à Paris.

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