Pierre Bongrand

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Les recherches de Pierre Bongrand visent à développer et appliquer des outils physiques pour parvenir à une compréhension quantitative du fonctionnement cellulaire. Cette démarche a été appliquée à l’étude des propriétés adhésives des cellules immunitaires, et a impliqué des étapes de recherche successives. 

L’adhésion est un processus ubiquitaire jouant un rôle fondamental dans le fonctionnement des cellules vivantes. Elle est également impliquée dans l’évolution de nombreuses situations pathologiques, comme la fixation tissulaire d’une bactérie ou d’un virus entraînant le déclenchement d’une infection et l’attachement des monocytes aux parois endothéliales conduisant à l’athérosclérose. Pierre Bongrand a fait le constat que l’adhésion se prête bien à une étude physique. Avec ses collaborateurs, il a développé des méthodes originales de quantification de l’adhésion cellulaire, en utilisant des écoulements hydrodynamiques et le traitement mathématique des images de microscopie. Ces travaux ont permis de réaliser une mesure absolue de la solidité d’adhésion, de quantifier le transfert intercellulaire de molécules membranaires à la suite de l’adhésion, de mesurer l’alignement nanométrique de deux membranes au cours de la formation de l’adhésion et de quantifier la redistribution latérale des molécules membranaires au cours de l’adhésion. De plus, ils ont permis d’élaborer un modèle d’intégration quantitative de ces données en 1984, modèle qui fait référence dans le domaine. 

Il est maintenant bien établi que l’adhésion cellulaire est gouvernée par de multiples récepteurs membranaires spécialisés. Par exemple, presque la moitié des 200 antigènes membranaires identifiés sur les leucocytes sont des molécules d’adhésion. Une étape essentielle de l’étude des mécanismes de l’adhésion consistait donc à caractériser quantitativement les propriétés physico-chimiques des interactions des molécules d’adhésion avec leurs récepteurs. Il est apparu que le cadre théorique classique (constante d’affinité, constantes cinétiques d’association et de dissociation) était insuffisant pour décrire les interactions de molécules liées à des surfaces : quel est l’effet d’une force sur la durée de vie d’une liaison ? Quelle est l’influence de l’âge d’une liaison sur sa durée de vie ? Quelle est l’influence de la distance séparant deux membranes sur la cinétique de formation des liaisons ? Pierre Bongrand a développé l’application de la chambre à flux laminaire à l’observation de la formation/dissociation de liaisons moléculairesindividuelles, avec une résolution temporelle de quelques millisecondes, en présence de forces de l’ordre du piconewton. Son équipe a ainsi participé à un courant de recherches qui s’est développé pendant au moins une décennie, en concurrence avec d’autres méthodologies, telles la microscopie de force atomique et, plus récemment, les pincettes optiques. Il est devenu possible de disséquer les liaisons formées par des molécules comme les sélectines, les intégrines, ou des membres de la superfamille des immunoglobulines. Ces travaux les ont amenés à conclure que l’association de deux protéines n’est pas un phénomène de tout-ou-rien : une liaison nouvellement formée se renforce progressivement, avec un passage successif parmi des états liés de stabilité croissante. Le passage d’un état à l’autre est influencé par des forces, d’une manière qui peut être décrite par la classique « loi de Bell » ou, de manière différente, comme c’est le cas des « catch bonds » ou « liaisons accrocheuses ». Il a ainsi été possible de quantifier, dans des systèmes modèles, le temps minimal nécessaire à l’association de deux molécules et la cinétique de maturation d’une liaison nouvellement formée. 

Les interactions adhésives constituent un élément important des décisions cellulaires. Les cellules vivantes sondent continuellement leur environnement pour détecter des ligands immobilisés de leurs récepteurs membranaires. La formation d’une adhésion comporte durant quelques minutes un échange d’informations entre la cellule et son environnement. Un exemple particulièrement intéressant est celui du lymphocyte T : une interaction de quelques minutes avec une cellule spécialisée lui permet de détecter une molécule spécifique présente en quelques exemplaires, voire même en un exemplaire unique. La reconnaissance semble reposer sur la mesure d’un paramètre physique simple, tel que la durée de vie de l’interaction d’un récepteur lymphocytaire T et de sa cible. Cette situation a conduit à étudier les premières minutes de l’interaction d’une cellule immunitaire avec une surface plane, en mesurant les mouvements membranaires en temps réel avec une précision nanométrique. Les principaux résultats obtenus sont les suivants : 1) la membrane cellulaire présente des ondulations transverses d’une amplitude de quelques nanomètres à quelques dizaines de nanomètres et une fréquence de l’ordre du Hertz, ou davantage ; il est donc envisageable que ces mouvements engendrent la formation et la rupture de liaisons cellule-substrat : 2) un lymphocyte T peut détecter en une dizaine de secondes la présence de ligands spécifiques sur une surface et une minute ou deux lui suffisent pour mesurer les propriétés physiques de l’interaction. La reconnaissance entraîne une réponse mécanique rapide (retrait d’une protrusion membranaire et étalement). Il s’agirait d’un mécanisme général permettant à une cellule d’analyser son environnement : création d’un contact et réalisation d’une traction rapide, avec une force de quelques piconewtons. Un processus de mécano-transduction, dont la généralité est de mieux en mieux démontrée, permet de produire une information locale dont l’intégration conduira à une modification du comportement cellulaire. Ces concepts sont discutés dans plusieurs revues depuis 2009. 

Ces approches scientifiques et conceptuelles ont amené Pierre Bongrand à créer, à partir d’une unité Inserm installée en milieu hospitalier, le laboratoire « Adhésion et inflammation », une unité mixte de recherche associant l’Inserm et le CNRS sur le campus de Luminy à Marseille en 2005, avec une antenne à l’hôpital de la Conception en 2008. La démarche multidisciplinaire de l’unité est liée à la complémentarité des compétences entre chercheurs physiciens, biologistes, et médecins. Son originalité repose sur le développement de thématiques biologiques et physiques de pointe et de leurs applications médicales, dans les domaines de l’adhésion et de la réponse immunitaire.

Biographie

Pierre Bongrand est né le 6 janvier 1950 à Paris. Il a mené ses études secondaires à Aix-en-Provence et ses études supérieures aux facultés des sciences et de médecine à Paris et à Marseille. 

  • Études scientifiques, École normale supérieure, Paris (1968–1972).
  • Études médicales, facultés de médecine de Cochin (1968–1972) et de Marseille (1972–1974).
  • Agrégation de physique, faculté des sciences, Paris (1972).
  • Thèse de doctorat de 3ème cycle en physique théorique, consacrée au calcul du potentiel de surface des films cationiques mono-moléculaires, université Paris VI (1972).
  • Thèse de doctorat en médecine portant sur les dosages radio-immunologiques, faculté de médecine de Marseille (1974).
  • Thèse de doctorat d’État ès sciences consacrée à l’étude de la reconnaissance dans la phagocytose, faculté des sciences de Luminy (1979).
  • Assistant hospitalo-universitaire (1972). Professeur-praticien hospitalier en immunologie à la faculté de médecine de Marseille (1982).
  • Directeur du laboratoire d’immunologie, hôpital Sainte-Marguerite à Marseille (1988), hôpital de la Conception, Marseille (2007–2015).
  • Directeur du contrat jeune formation de l’Inserm « Analyse quantitative des fonctions cellulaires » (1989), devenu unité de recherche Inserm 387 « Adhésion cellulaire » (1994–2003).
  • Directeur de l’unité Inserm 387 “Adhésion cellulaire”, de 1994 à 2003, et de l’unité 600 “Adhésion et inflammation” de 2004 à 2011 à l’hôpital Sainte-marguerite.
  • Directeur de l’unité mixte Inserm1067/CNRS 7333/université d’Aix-Marseille II « Adhésion et inflammation », Campus de Luminy, avec une antenne à l’hôpital de la conception. L’unité a été associée au département de physique du CNRS à partir de 2003 (devenue unité mixte 6212 puis unité mixte 7333) et a créé une antenne en 2008 à l’hôpital de la Conception : unité mixte de recherche Inserm/CNRS/université d’Aix-Marseille II de 2012 à 2016.
  • Partenaire fondateur du laboratoire d’excellence (labex) « Inform » créé en 2012 sur le campus de Luminy. 

Instances scientifiques et de gestion de la recherche

  • Membre du conseil d’administration de la Société française d’immunologie, 1997.
  • Membre de la section « Systèmes et matériaux supra et macromoléculaires » du CNRS (2012).

Sociétés savantes – Académies

  • Membre de la Société française d’immunologie (1987–2001).
  • Membre de l’American Association of Immunologists, de la Biophysical Society et de l’American Physical Society.
  • Membre de la Society for Leukocyte Biology.
  • Membre, passé ou présent, du comité éditorial de plusieurs revues internationales : Journal of Immunological Methods, Cell Biophysics, Experimental Biology Online, European Cells and Materials. 
  • Celullar and Molecular Bioengineering (European editor).