Traumatisme crânien : un doppler pour prédire le risque de complications

Alors que leur scanner ne révèle pourtant rien d’alarmant, certains patients victimes d’un traumatisme crânien mineur à modéré développent des complications neurologiques dans les jours qui suivent. Une nouvelle étude montre que le recours à un doppler transcrânien permettrait de détecter ces patients à risque.

Les traumatismes crâniens mineurs à modérés constituent la première pathologie traitée par les services d’urgence. Parmi les patients qui ne présentent alors que des lésions mineures au scanner, jusqu’à 20% voient leur état neurologique se détériorer dans la semaine qui suit. Test d’ouverture des yeux à divers stimuli visuels et auditifs, réponses motrices et verbales, taille des pupilles... : les examens cliniques standards ne sont malheureusement pas assez pointus pour le prédire. Il y a donc nécessité à trouver de nouveaux outils ! 

Menée par une équipe française*, dans 17 services d’urgences, une nouvelle étude révèle qu’un doppler transcrânien permettrait de dépister ces patients à risque, dès leur arrivée aux urgences. 

Artères cérébrales : débit sanguin dégradé

Dans la pratique, l’étude a porté sur 356 patients de plus de 15 ans, admis pour un traumatisme crânien mineur à modéré. Comme le veut la prise en charge standard, ils ont tout de suite passé un scanner. Résultat : leurs lésions cérébrales étaient mineures. Dans les 8 heures ayant suivi leur traumatisme crânien, les chercheurs leur ont en outre fait passer un doppler transcrânien, examen non invasif permettant d’estimer le débit sanguin dans les artères cérébrales. Ces patients ont ensuite été gardés sous surveillance, afin d’identifier ceux qui allaient subir une détérioration neurologique durant la semaine suivant le traumatisme crânien. Ce fut le cas pour vingt d’entre eux : chez certains, les scores aux tests classiques (ouverture des yeux à divers stimuli, réponses motrices et verbales...) se sont dégradés ; pour d’autres, la dégradation neurologique a nécessité une mise sous ventilation, une sédation, voire un transfert en soins intensifs ou une intervention neurochirurgicale. 

L’équipe a alors recherché s’il existait des différences entre les dopplers transcrâniens de ces 20 patients, et ceux des 336 autres malades n’ayant pas subi de détérioration neurologique durant la première semaine. Tout d’abord, seize de ces vingt patients présentaient un doppler transcrânien anormal (soit 80%), contre seulement 21% des 336 autres. Plus précisément, chez les premiers, le débit sanguin cérébral était plus souvent inférieur ou égal à 25 centimètres par seconde et l’index de pulsatilité** supérieur à 1,25 ; un résultat confortant une précédente étude menée au service d’urgences du CHU de Grenoble en 2011. 

Une valeur prédictive de 98%

Mais surtout, l’analyse statistique des résultats a montré que 98% des patients au doppler normal (débit sanguin cérébral supérieur à 25 cm/s et index de pulsatilité inférieur à 1,25) n’ont pas eu de complication neurologique la première semaine. « Ce diagnostic par doppler transcrânien pourrait donc permettre de discriminer les patients à risque dès l’admission hospitalière, afin d’améliorer leur triage aux urgences », indique Pierre Bouzat, premier auteur de l’étude, chercheur au Grenoble Institut des neurosciences. 

Concrètement, les patients dont le doppler est normal pourraient rentrer chez eux plus vite, évitant au passage des dépenses hospitalières inutiles et l’occupation injustifiée de lits ; à l’inverse, les autres seraient suivis de près à l’hôpital, pour éviter une complication neurologique. 

Pour l’heure, l’équipe cherche des financements pour mener une nouvelle étude à plus grande échelle, avec des hôpitaux français, belges et suisses. L’idée serait de diviser des patients dont le scanner ne présente que des lésions mineures en deux groupes : Les premiers passeraient un doppler transcrânien, mais pas les autres. Puis les chercheurs suivraient leur état neurologique six mois à un an. En toute logique, grâce à une meilleure prise en charge en cas de mauvais résultat au doppler, l’état neurologique des patients du premier groupe devrait être meilleur. Si tout se passe bien, cette nouvelle étude pourrait démarrer dès 2017/2018.

Note

* Grenoble Institut des neurosciences (Unité 1216 Inserm/université Joseph Fourier/CHU Grenoble), Centre hospitalier Annecy Genevois, Hospices civils de Lyon, CHU de Nantes, CHU de Clermont Ferrand, CHU de Dijon, CHU de Nîmes. 

** L’index de pulsatilité correspond à : (vitesse systolique – vitesse diastolique) / vitesse moyenne. La vitesse systolique est la vitesse des globules rouges dans les artères du cerveau quand le cœur se contracte (systole) et la vitesse diastolique quand il se relâche (diastole).

Source

P. Bouzat et coll., Transcranial Doppler to Predict Neurologic Outcome after Mild to Moderate Traumatic Brain Injury, Anesthesiology, édition en ligne du 26 mai 2016.