La thérapie cellulaire prévient des effets indésirables de la prostatectomie

La grande majorité des patients ayant subi une ablation de la prostate en raison d’un cancer présentent ensuite une incontinence urinaire et des dysfonctions érectiles. Chez le rat, l’injection de cellules souches a permis de réduire nettement ces complications.

Après une ablation de la prostate réalisée dans le cadre du traitement d’un cancer, l’injection de cellules souches pourrait nettement réduire les effets indésirables liés à cette intervention : l’incontinence urinaire et les dysfonctions érectiles. C’est ce que vient de montrer une équipe Inserm qui a travaillé sur le rat mais espère être rapidement en mesure de tester cette approche chez des patients. 

Des effets indésirables handicapants

L’ablation de la prostate, ou prostatectomie, entraine le plus souvent des lésions irréversibles de nerfs et de l’artère pudendale situés à proximité. Ces lésions provoquent des anomalies se traduisant par des fuites urinaires et des problèmes érectiles, des secondaires qui altèrent largement la qualité de vie des patients (le cancer de la prostate peut toucher des sujets relativement jeunes, à partir de la quarantaine). Or, de précédents travaux conduits chez des rongeurs ont suggéré que l’injection de cellules souches améliorerait la régénération de tissus lésés autour de la prostate.

Pour vérifier ces données et aller plus loin, les chercheurs ont mis au point une technique permettant de simuler les effets d’une prostatectomie chez le rat, en générant les lésions occasionnées par cette intervention chez l’homme. Ils ont ensuite injecté aux animaux des cellules souches mésenchymateuses d’origine humaine au niveau de leur pénis et de leur sphincter urinaire. Différents paramètres permettant, d’une part d’évaluer les fonctions urinaire et érectile, et d’autre part de suivre le devenir des cellules injectées, ont été mesurés pendant trois mois. 

Un effet majeur des cellules souches

Les données ainsi recueillies ont montré que, si l’opération entraine bien une incontinence et des troubles de l’érection, les injections améliorent très significativement ces deux fonctions. Les cellules souches ont permis aux animaux de récupérer plus de la moitié des capacités urinaires et érectiles perdues après l’intervention, par rapport à leurs performances initiales. Les animaux opérés qui n’ont pas reçu de cellules souches n’ont pas récupéré du tout. 

Pourtant, à y regarder de plus près, les auteurs ont constaté que les cellules souches s’étaient très peu différenciées en cellules musculaires lisses ou en cellules endothéliales qui assurent les fonctions étudiées. Elles n’exprimaient pas les marqueurs propres à ces lignées cellulaires. En outre après quinze jours, leur concentration a commencé à diminuer et elles avaient quasiment disparu au bout d’un mois. En revanche, les auteurs ont constaté une production de facteurs biologiques favorables à la régénération du microenvironnement, émanant non seulement des cellules souches injectées, mais également des cellules des animaux. 

« Ces observations suggèrent que les cellules souches interviennent assez peu, et de façon très brève dans la régénération des tissus lésés. Mais elles produisent des molécules qui stimulent l’ensemble du microenvironnement, en s’adaptant au type de tissus, pour favoriser sa régénération et son entretien. Ce sont donc finalement les cellules de l’hôte qui, sous l’effet de ce signal, font le gros du travail. La disparition des cellules greffées au bout d’un mois n’est donc pas grave. Elle constitue même un avantage, en évitant ainsi le risque de prolifération incontrôlée ou de transformation tumorale associé de ce type de cellules indifférenciées », estime Anne-Marie Rodriguez, coauteur des travaux. 

Vers une application chez l’homme

orts de cette expérience positive, les chercheurs veulent aller plus loin : « L’idée est maintenant de développer un protocole clinique agréé par les autorités de santé, permettant de prélever des cellules souches mésenchymateuses par liposuccion chez les patients éligibles à une prostatectomie, afin de leur réinjecter leurs propres cellules juste après l’intervention pour prévenir les effets indésirables. Pour cela, il est indispensable de mettre au point un kit qui permet d’isoler des cellules de grade clinique à partir de la graisse des patients », prévoit Anne-Marie Rodriguez. « À terme, l’étude des effets des cellules souches sur le sphincter et le pénis permettra en outre d’identifier les facteurs facilitant la régénération de ces tissus et peut être de proposer des médicaments ciblés », conclut-elle. 

Note :

*unité 955 Inserm/Université Paris-Est, Institut Mondor de recherche biomédicale, Créteil 

Source :

R. Yiou et coll. Delivery of Human Mesenchymal Adipose-Derived Stem Cells Restores Multiple Urological Dysfunctions in a Rat Model Mimicking Radical Prostatectomy Damages through Tissue- Specific Paracrine Mechanisms. Stem Cells, édition en ligne du 6 octobre 2015