Sur la piste des mécanismes de l’aversion alimentaire

Chez le poisson zèbre, l’aversion pour un aliment est associée à la surexpression d’un gène particulier au niveau des aires gustatives du cerveau et dans la zone oropharyngée. L’équipe Inserm à l’origine de cette découverte tente maintenant de comprendre le rôle de ce gène dans l’éducation au goût.

Chez le poisson zèbre, l’aversion pour un aliment est associée à la surexpression d’un gène particulier au niveau des aires gustatives du cerveau et dans la zone oropharyngée. L’équipe Inserm à l’origine de cette découverte tente maintenant de comprendre le rôle de ce gène dans l’éducation au goût. 

Un gène associé à l’aversion

Dans le cadre de travaux fondamentaux, Frédéric Rosa et ses collègues* tentent de mieux comprendre les déterminants au goût et étudient notamment l’aversion alimentaire. Alors qu’une saveur sucrée est bien acceptée voire sollicitée, un aliment amer ou acide est le plus souvent rejeté : pour essayer de décrire les mécanismes impliqués dans cette aversion, les chercheurs ont soumis des larves de poisson zèbre à quelques expériences gustatives. 

Différents composants – sucrés, amer ou acide – ont été associés à la nourriture de base des larves. Les aliments rendus amers et acides ont été immédiatement rejetés par les larves et les chercheurs ont constaté que ce rejet s’accompagnait de la surexpression du gène egr‑1 au niveau des voies oropharyngées, des branchies et des aires gustatives du cerveau. 

Après deux ou trois jours à ce régime, les larves s’habituent aux saveurs amères et acides et les acceptent mieux. Au fur et à mesure de cette adaptation, l’expression du gène egr‑1 diminue et revient à un taux normal. De plus, quand les chercheurs associent l’aliment amer ou acide à du glutamate – une substance particulièrement appréciée des larves – elles le mangent normalement, sans qu’aucune réaction ne soit observée sur le plan génétique. 

Des mécanismes à clarifier

« Ces résultats montrent qu’une aversion alimentaire déclenche un mécanisme qui contribue à l’éducation du goût, expliquent Frédéric Rosa et Brigitte Boyer, co-auteurs des travaux. A ce stade, nous ne connaissons pas la fonction du gène egr‑1 mais il pourrait par exemple être impliqué dans la mémoire gustative, permettant à l’organisme de s’habituer à l’aliment et de le reconnaître comme comestible », suggèrent les chercheurs. « Il se pourrait qu’un mécanisme identique existe chez l’homme car le gène egr‑1 est très conservé au cours de l’évolution et existe chez les humains », ajoute Frédéric Rosa. 

Réduire l’appétence pour certains goûts

Ces travaux très fondamentaux posent une nouvelle pierre dans la compréhension des phénomènes gustatifs. « A terme, le fait de bien connaitre ces mécanismes pourrait permettre d’intervenir pour tenter de modifier des composantes liées aux goûts. L’appétence pour le sucré des personnes obèses ou diabétiques est par exemple problématique pour contrôler leur maladie. Peut-être arriverons-nous un jour à réduire l’intérêt des patients pour ces aliments, poursuit Frédéric Rosa. Mais à ce stade, cela relève presque de la science-fiction » prévient-il. 

Note :
(*)Unité Inserm 1024/CNRS/Collège de France, École normale supérieure, Paris. 

Source :
B. Boyer et coll. Egr-1inductionprovidesageneticresponsetofoodaversioninzebrafish. Front Behav Neurosci, édition en ligne du 22 mai 2013