Le séquençage haut débit ciblé, allié des patients souffrant de dystrophies rétiniennes

Des chercheurs Inserm ont utilisé une technique de séquençage haut débit pour étudier 123 gènes possiblement associés à des dystrophies de type cône-batônnet, une forme rare de dégénérescence rétinienne. Les résultats permettent de classer les patients en sous-groupes selon les mutations identifiées et de proposer des essais cliniques appropriés.

Le séquençage haut débit est en train de devenir l’allié des personnes atteintes de dystrophie rétinienne. En effet, en identifiant les mutations impliquées dans ces dégénérescences de la rétine, les cliniciens peuvent mieux classer les patients en sous-groupes et les orienter vers les bons essais cliniques mis en place pour le développement de médicaments. Au centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts à Paris, 96 personnes atteintes d’une forme rare de cette maladie, les dystrophies de type cône-bâtonnet, ont bénéficié. 

Les dystrophies rétiniennes correspondent une dégénérescence des photorécepteurs qui se présentent sous deux formes : cônes ou bâtonnets. Dans les dystrophies de type bâtonnet-cône, les bâtonnets dégénèrent avant les cônes. Cela entraine une perte de vision périphérique, une cécité nocturne, puis une perte de vision sévère autour de 40–50 ans. Plusieurs études génétiques ont permis d’identifier des gènes associés à la transmission de cette maladie. En revanche, les chercheurs en savent beaucoup moins sur les dystrophies de type cône-bâtonnet, des formes atypiques entrainant la dégénérescence des cônes avant celle des bâtonnets. La maladie induit en priorité une perte de vision centrale très handicapante, mais aussi une altération de la vision des couleurs ou encore une sensibilité à la lumière. Elles concerneraient environ 1 personne sur 40 000 contre 1 sur 4 000 environ pour la forme typique. Son évolution est en général plus rapide et plus sévère. 

Etudier 123 gènes simultanément

Plus de 25 gènes associés aux dystrophies de type cône-bâtonnet ont déjà été étudiés. Une équipe Inserm* de l’Institut de la Vision a voulu élargir le champ de recherche à 123 gènes impliqués dans le fonctionnement de la rétine, afin de découvrir d’éventuels recoupements avec d’autres maladies de la rétine. Pour cela, les chercheurs ont utilisé une nouvelle méthode de séquençage permettant d’analyser simultanément tous ces gènes et d’identifier les mutations éventuellement présentes. « Nous avons collaboré avec une société privée, Integragen, pour effectuer ce séquençage. Nous avons ensuite récupéré des tableaux de variants génétiques pour ces 123 gènes et nous les avons analysé et validé », expliquent Christina Zeitz et Isabelle Audo, coauteurs des travaux. Ce travail réalisé avec leur étudiante en Master 2, Elise Boulanger-Scemama, leur a permis d’identifier des mutations associées aux transmissions dominantes, aux formes récessives et aux cas sporadiques de dystrophies de type cône-bâtonnet. Dans le premier cas, il suffit qu’un seul allèle du gène soit muté pour que la maladie s’exprime. Dans le second cas, les deux allèles doivent être mutés et chacun des deux parents doit donc être porteur d’une mutation sur le même gène pour que l’enfant déclenche la maladie. Pour les cas sporadiques, aucun antécédent familial n’est rapporté, évoquant une forme récessive ou une mutation dominante de novo. « L’avantage de la technique de séquençage ciblé devant cette hétérogénéité génétique réside dans le fait qu’elle n’est pas biaisée par le mode présumé de transmission génétique », expliquent les chercheuses. 

Une meilleure prise en charge des patients et de nouvelles pistes thérapeutiques

Nous sommes tous porteurs de mutations dans ces gènes. Ces mutations sont sans conséquences et reflètent la variabilité génétique des individus. Nous avons donc du développer des filtres pour identifier uniquement les mutations pouvant effectivement entrainer l’apparition de la maladie », continuent-elles. Au total, l’équipe a retrouvé 33 mutations déjà connues et en a caractérisé 35 nouvelles, affectant une trentaine de gènes. 

Cette analyse permet aux cliniciens de constituer des sous-groupes de patients selon les gènes impliqués dans leur maladie, pour leur proposer des essais cliniques adaptés à leur cas particulier par exemple des essais de thérapie génique. Les données du séquençage ouvrent également de pistes de recherche en identifiant de nouvelles cibles thérapeutiques. 

Forts de cette expérience, les chercheurs poursuivent ce séquençage chez tous leurs nouveaux patients. Néanmoins, aucune mutation causale n’a été identifiée chez 38% des patients jusqu’ici étudiés, suggérant d’élargir les recherches à d’autres gènes. C’est ce qu’ont décidé de faire les chercheurs, grâce à une méthode de séquençage haut débit ciblant l’ensemble des gènes. Cette approche a déjà permis à l’équipe d’Isabelle Audo et de Christina Zeitz d’identifier 5 gènes impliqués dans d’autres maladies de la rétine. 

Note :

*unité 968 Inserm/CNRS/Université Pierre et Marie Curie, Institut de la vision, Paris 

Source :

E. Boulanger-Scemama et coll. Next-generation sequencing applied to a large French cone and cone-rod dystrophy cohort : mutation spectrum and new genotype-phenotype correlation. Orphanet J Rare Dis, édition en ligne avancée du 24 juin 2015