La sensation de toucher a son gène

Une équipe Inserm vient d’identifier le gène, et la protéine qu’il code, responsables de la sensation de toucher. Les chercheurs envisagent déjà de l’utiliser comme cible thérapeutique pour traiter des dysfonctions affectant cette perception, notamment l’allodynie.

Le gène du toucher, de la sensation du contact physique, vient d’être identifié : il se nomme piezo2b. L’équipe Inserm à l’origine de cette découverte s’intéresse depuis longtemps aux sensations tactiles et recherchait jusque-là le ou les gènes impliqués dans la perception des stimulations mécaniques qui s’exercent sur la peau. Ces stimuli entrainent des réactions adaptées à leur intensité et leur nature, comme un évitement ou au contraire une attirance. Ces travaux ont conduit les chercheurs à l’identification du gène piezo2b, pierre angulaire de la perception des sensations « légères ». Ce gène semble d’ores et déjà constituer une cible thérapeutique idéale pour traiter des dysfonctions de cette perception. Les chercheurs pensent en particulier à l’allodynie, une maladie dans laquelle un simple contact physique, normalement indolore, déclenche une réaction douloureuse. 

Signaux légers exclusifs

L’histoire débute donc par des travaux sur la transmission des stimuli mécaniques qui s’exercent sur les organes (tension, pression, toucher). En 2010, des chercheurs découvrent une famille de protéines « PIEZO », retrouvées chez les vertébrés et les invertébrés, et impliquées dans la transmission de ces stimulations. Il s’agit de canaux ioniques intégrés dans la membrane de cellules, notamment dans celle de neurones. En cas de tension sur un organe, ces canaux s’ouvrent pour envoyer un signal au système nerveux central. Cependant, la fonction précise de chacune des protéines de cette famille restait mal connue. 

Parmi ces protéines, une seule est présente dans les neurones qui innervent les cellules de l’épiderme (neurones du ganglion spinal) : la protéine PIEZO 2b. Elle est donc à priori la seule à être impliquée dans les perceptions tactiles au niveau de la peau. Pour préciser son rôle, Chris Jopling* et ses collaborateurs ont travaillé chez le poisson zèbre, un modèle vertébré chez lequel il est facile d’inactiver des gènes au cours du développement. Les chercheurs ont ainsi pu « éteindre » le gène piezo2b et observer les conséquences de cette manipulation. 

Sans la protéine PIEZO 2b, les poissons réagissent encore si l’on pince fortement leur queue ou si l’on leur administre un agent chimique qui provoque une sensation douloureuse sur la peau. En revanche, ils ne témoignent d’aucune réaction lorsqu’on les caresse. Les poissons sont donc devenus insensibles, mais uniquement aux sensations légères. 

Une application directe

Pour les auteurs, ces résultats ne laissent pas de place au doute : la protéine PIEZO 2b est spécialisée dans la transmission de signaux générés par un contact physique léger. Un constat qui suggère immédiatement des applications possibles, notamment pour traiter l’allodynie. « La maladie n’est pas liée au dysfonctionnement de cette protéine, mais plutôt à une hypersensibilité des fibres nerveuses. Toutefois, le fait de bloquer l’action de piezo2b pourrait limiter la transmission de l’information nociceptive, réduisant la sensation douloureuse chez les patients. Cette hypothèse a déjà été testée chez la souris où elle a montré de bons résultats. Des chercheurs travaillent maintenant sur des molécules susceptibles d’inhiber cette protéine chez l’homme », conclut Chris Jopling. 

Note 
*unité 661 Inserm/CNRS/Université de Montpellier 2, Institut de génomique fonctionnelle, Montpellier 

Source 
A Faucherre et coll. piezo2b Regulates Vertebrate Light Touch Response. J Neurosci du 23 octobre 2013, 33(43):17089–94