Nicolas Renier – Plongée au cœur des remaniements cérébraux

Directeur de recherche Inserm à l’Institut du cerveau à Paris, Nicolas Renier a ouvert les portes d’un vaste champ d’exploration cérébrale. Grâce aux technologies de pointe qu’il développe depuis une dizaine d’années, son équipe étudie dans différentes situations les liens entre plasticité cérébrale et comportements. Récemment, il a obtenu un financement du Conseil européen de la recherche pour étudier les remaniements cérébraux qui interviennent au cours de la gestation.

Nicolas Renier
Nicolas Renier, chercheur Inserm, responsable du Laboratoire de plasticité cérébrale à l’Institut du cerveau (ICM, unité 1127 Inserm/CNRS/Sorbonne Université), à Paris

Nicolas Renier est ingénieur autant que chercheur. À l’Institut du cerveau à Paris, il développe des techniques et des outils pour observer et étudier cet organe. Son équipe s’est spécialisée dans l’exploration des remaniements de réseaux neuronaux et vasculaires qui surviennent dans différents contextes et sont associés à des modifications des fonctions cognitives. « Je pense que nous sommes les seuls au monde à faire ce travail avec autant d’acuité grâce à nos techniques d’imagerie très fines, qui sont notre marque de fabrique ! », clarifie-t-il d’emblée.

De la technique à l’observation

Formé à l’École normale supérieure (ENS) à Paris, il a préparé son doctorat à l’Institut de la vision, sur le développement des axones pendant l’embryogenèse. « Dès le départ, j’ai été amené à explorer le cerveau, constate-t-il. C’était à la fois un choix et une opportunité. Cela m’intéressait beaucoup et l’ENS proposait cette spécialité. Par ailleurs, avec un père neurochirurgien, j’étais imprégné de l’idée de travailler dans ce domaine. » Mais le véritable point de départ de sa carrière se situe à New York, à l’université Rockefeller où il arrive en 2012 pour un stage postdoctoral. Pendant cinq ans, il y développera des technologies d’imagerie 3D du cerveau à partir d’une méthode qui permet d’observer des tissus fixés avec une très haute résolution : la microscopie en feuillet de lumière. « J’ai adapté cette technique pour étudier la plasticité cérébrale, c’est-à-dire la réorganisation naturelle des réseaux de neurones pour faire face à des situations nouvelles. L’objectif est d’être en mesure de visualiser ces réseaux à large échelle, ainsi que les réseaux vasculaires, et d’en suivre les remaniements au cours du temps et dans différents contextes », explique-t-il.

Cette expertise est remarquée par l’Institut du cerveau qui le contacte en 2017 pour rapatrier ce savoir-faire en lui proposant de monter sa propre équipe. À son arrivée, il va en outre décrocher le statut de directeur de recherche Inserm ainsi qu’un financement européen de cinq ans (ERC Starting Grant) pour mener un projet sur la plasticité cérébrale en période postnatale. « Pendant ces années, j’ai continué à développer l’utilisation de la microscopie à feuillet de lumière pour cartographier les cellules et les réseaux neuronaux dans le cerveau de souris. En combinant cette approche avec des techniques de génétique qui permettent de manipuler l’activité neuronale, nos travaux permettent de comprendre les relations entre la plasticité cérébrale et les comportements sociaux ou des traits psychiatriques tels que l’anxiété, après la naissance mais aussi chez des animaux adultes ».

Des remaniements indispensables pour devenir mère

Cinq ans sont vite écoulés et, en 2023, il obtient un nouveau financement de l’Europe (ERC Consolidator Grant) pour étudier la plasticité cérébrale au cours de la gestation. Il suppose que les réarrangements cérébraux qui interviennent pendant cette période pourraient façonner les comportements maternels après la naissance. « Deux ans après le début de ce programme de recherche, je peux confirmer cette hypothèse chez la souris : des modifications des réseaux neuronaux et vasculaires sont indispensables pour devenir mère. Concrètement, si on bloque ce processus, les souris sont incapables d’acquérir leur instinct maternel. Elles n’ont pas le réflexe de ramener leur progéniture dans le nid quand les souriceaux s’éloignent, ou de réarranger correctement ce nid protecteur. Elles se comportent comme n’importe quelle souris qui n’a pas mis bas », décrit le chercheur. Avec son équipe, il tente désormais de disséquer les mécanismes moléculaires sous-jacents et d’explorer ces remaniements chez l’humain. « Nous supposons qu’ils conduisent à une meilleure oxygénation et alimentation en glucose des neurones impliqués dans les fonctions cognitives associées à la maternité et nous allons le vérifier. »

Nicolas Renier ne cache pas sa grande satisfaction de créer des cycles courts entre le développement de nouvelles techniques et leur utilisation : « La mise au point d’innovations est notre point fort car elle permet de poser de nouvelles questions et d’être les premiers à y répondre. Mais nous mettons aussi notre savoir-faire à la disposition d’autres équipes et nous avons plaisir à le diffuser », précise-t-il. L’équipe a d’ailleurs noué plusieurs collaborations originales. Avec l’Institut de l’audition, elle étudie chez la souris l’impact de la surdité congénitale ou acquise avec l’âge sur la plasticité cérébrale et les comportements. Un autre thème est exploré avec l’équipe de neuro-oncologie de l’Institut du cerveau, celui des remaniements qui s’opèrent chez des patients atteints de glioblastome, une tumeur cérébrale.

Nicolas Renier a véritablement ouvert une nouvelle voie. « Notre expertise nous permet d’explorer toujours plus de sujets. Je réfléchis par exemple à étudier l’impact des changements alimentaires sur la plasticité neuronale. Avec l’arrivée des nouveaux traitements contre l’obésité qui agissent sur la sensation de satiété (les analogues de GLP‑1), il semble important de regarder quels sont leurs effets niveau cérébral », illustre-t-il. Et il ne fait pas de doute que d’autres thématiques suivront, continuant d’enrichir les connaissances sur le cerveau et sa capacité à s’adapter.


Nicolas Renier, chercheur Inserm, est responsable du Laboratoire de plasticité cérébrale à l’Institut du cerveau (ICM, unité 1127 Inserm/CNRS/Sorbonne Université), à Paris.


Autrice : A. R.

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Sonia Garel