Pollution atmosphérique : Respirer est-il mauvais pour la santé ?

99 % de la population mondiale respire un air qui ne respecte pas les limites relatives à la qualité de l’air recommandées par l’Organisation mondiale de la santé. Les conséquences sur notre santé sont multiples, non seulement pour les voies respiratoires mais aussi pour l’ensemble de notre organisme.

Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°58

Plus de quatre millions ! C’est, selon l’OMS, le nombre de décès prématurés provoqués par la pollution de l’air extérieur chaque année dans le monde. Obstructions et infections des voies respiratoires, accidents cardiovasculaires et cancers sont les principales causes de cette mortalité prématurée due à la présence dans l’air que nous respirons de polluants : gaz, métaux lourds, particules et poussières en suspension. Ceux qui ont le plus d’impact sur notre santé sont indéniablement les fameux PM (pour particulate matter en anglais), en particulier les PM2,5, les particules fines dont le diamètre est inférieur à 2,5 microns. Santé publique France estime ainsi qu’environ 40 000 décès prématurés sont attribuables aux PM2,5 en France.

Des effets immédiats…

Qu’ils soient d’origine naturelle ou émis par les activités humaines, les polluants atmosphériques ont de prime abord des impacts à court terme sur notre santé. Ceux-ci sont particulièrement flagrants lors des pics de pollution et dans les jours qui suivent. « Ces pics s’accompagnent notamment d’une hausse des consultations et des hospitalisations pour allergies et infections des voies respiratoires », indique Isabella Annesi-Maesano, épidémiologiste et directrice de recherche Inserm à Montpellier. Les polluants sont en effet des irritants très réactifs qui abîment les muqueuses et facilitent les réactions allergiques et inflammatoires mais aussi les infections par des micro-organismes. » Les cas de bronchites, bronchiolites, pneumonies, otites explosent alors. Ces infections peuvent entraîner des complications, voire des décès pour les personnes les plus vulnérables comme les enfants en bas âge, les personnes malades et/ou âgées. Des travaux fondés sur des données de six pays d’Europe occidentale, auxquels a participé Isabella Annesi-Maesano, ont d’ailleurs montré que la mortalité associée à la Covid-19 augmente lors des pics de pollution aux PM2,5.

Par ailleurs, « les pics de pollution peuvent occasionner une diminution transitoire de notre capacité pulmonaire et exacerber les symptômes de maladies respiratoires », ajoute Valérie Siroux, spécialiste de la santé respiratoire et directrice de recherche Inserm à Grenoble. C’est par exemple le cas de l’asthme ou encore de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) – une pathologie caractérisée par une obstruction progressive des voies aériennes et des poumons. De plus, « les particules les plus fines peuvent également pénétrer en profondeur dans les bronches, atteindre la circulation sanguine et déclencher entre autres des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ou des infarctus du myocarde », poursuit Isabella Annesi-Maesano.

… comme à long terme

Mais le fardeau sanitaire le plus élevé découle de l’exposition chronique à la pollution atmosphérique. « Nous y sommes tous exposés dès notre conception, rappelle Valérie Siroux. Toutefois il est plus difficile d’étudier ces effets à long terme sur la santé qui apparaissent même à des expositions considérées comme acceptables. » Pour les identifier, les épidémiologistes mettent en place des études de cohortes qui suivent la santé de milliers de personnes sur de longues périodes, parfois des décennies. À l’heure actuelle, plusieurs consensus ont toutefois été établis sur la contribution de la pollution de l’air extérieur au développement et/ou à l’aggravation de maladies chroniques. C’est le cas par exemple du cancer du poumon, dont l’incidence est accrue en cas d’exposition continue à des concentrations même relativement faibles de PM. La pollution atmosphérique a d’ailleurs été classée comme cancérigène par le Centre international de recherche sur le cancer dès 2013. L’impact sur les maladies cardiovasculaires et respiratoires est aussi largement documenté. Par ailleurs, « les femmes exposées à la pollution atmosphérique pendant leur grossesse ont plus de risques d’accoucher prématurément et/ ou de mettre au monde un enfant avec un faible poids de naissance », précise Valérie Siroux. Des issues de grossesse qui peuvent contribuer à la mortalité néonatale.

En outre, un faisceau d’éléments de plus en plus probant suggère depuis une vingtaine d’années des associations plus ou moins fortes entre pollution de l’air et de nombreux troubles de la santé et des pathologies chroniques : diabète, obésité, maladies auto-immunes, allergies, troubles du développement et du spectre autistique, altération de la cognition et maladies neurodégénératives, troubles de l’humeur… Ainsi, « à l’aide des données récoltées dans le cadre de l’étude Constances, une cohorte épidémiologique généraliste en population générale constituée d’un échantillon de 200 000 adultes, nous avons pu montrer que les participants les plus exposés présentent de moins bonnes performances cognitives dans le domaine de la mémoire, du langage et des fonctions exécutives, et cela dès 45 ans, indique Bénédicte Jacquemin, chargée de recherche Inserm à Rennes. De façon similaire, nous avons mis en évidence une association entre l’exposition à des polluants atmosphériques et une augmentation des symptômes dépressifs. »

Continuer d’explorer les effets sur la santé

Au bout du compte, « tous les organes de notre corps sont affectés par l’exposition aux polluants atmosphériques, même à de faibles doses », remarque Isabella Annesi-Maesano. Pour autant, les mécanismes toxicologiques responsables de ces impacts sanitaires ne sont pas toujours clairement caractérisés. Et certains composés très nocifs, comme les particules ultrafines, les PM0,1, dont le diamètre est inférieur à 0,1 micron, sont encore trop peu étudiés. Pourtant « elles pénètrent très profondément dans l’organisme », ajoute l’épidémiologiste, qui regrette que le suivi de ces polluants ne soit pas encore réglementé. Par ailleurs, « nous manquons de données sur les interactions entre ces polluants et l’effet cocktail qui en résulte, mais aussi sur l’influence d’autres sources de pollution et de notre hygiène de vie », remarque Isabella Annesi-Maesano. Des informations qui pourraient être obtenues en étudiant notre exposome, c’est-à-dire l’ensemble des expositions environnementales auxquelles nous sommes soumis quotidiennement, et qui permettraient alors d’orienter les politiques de santé publique pour réduire l’énorme impact sanitaire de la pollution atmosphérique. La recherche n’est pas près de souffler.

Isabella Annesi-Maesano : unité d’accueil UA11 Inserm/Université de Montpellier, Institut Desbrest d’épidémiologie et de santé publique

Valérie Siroux : unité Inserm 1209/Université Grenoble Alpes/CNRS, Institut pour l’avancée des biosciences

Bénédicte Jacquemin : unité 1085 Inserm/Université de Rennes 1/École des hautes études en santé publique, Institut de recherche en santé, environnement et travail

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