Microbiote : Une bactérie intestinale responsable d’une maladie auto-immune

Une équipe Inserm établit pour la première fois une relation causale entre une anomalie de la flore intestinale et l’apparition d’une maladie auto-immune fréquente des reins : la maladie de Berger.

Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°61

Un certain nombre de maladies auto-immunes, au cours desquels le système immunitaire s’attaque aux cellules de l’organisme, pourrait-il être lié à des anomalies de la flore intestinale ? Le débat est lancé alors que l’équipe de Renato Monteiro à Paris, montre pour la première fois qu’un excès de bactérie intestinale appelée Akkermansia muciniphila entraîne la survenue d’une maladie auto-immune des reins : la néphropathie à immunoglobuline A, ou maladie de Berger. Troisième cause d’insuffisance rénale en France, cette pathologie se caractérise par l’accumulation d’anticorps couplés à des immunoglobulines anormales dans les reins, qui entraînent une perte de fonction progressive de l’organe.

Des immunoglobulines « déglycosylées »

De précédents travaux mettant en avant des anomalies du microbiote intestinal suggéraient le rôle de ce dernier dans la pathologie. Pour en savoir plus, l’équipe a analysé sa composition chez des patients, et l’a comparée avec celle de personnes atteintes d’autres maladies rénales ou saines. C’est ainsi que les chercheurs ont découvert un excès de bactérie Akkermansia muciniphila associé à la maladie de Berger. Ironie du sort, cette bactérie est considérée comme protectrice des troubles métaboliques (obésité, diabète) et disponible dans le commerce sous forme de compléments alimentaires. Elle se nourrit en effet de sucres, mais pas toujours les bons, à en croire ces nouveaux travaux. Une série d’expériences a en effet permis de montrer in vitro, in vivo chez la souris, et en fin chez l’humain, que la bactérie dégrade les sucres présents sur les immunoglobulines A situées au niveau du mucus intestinal, la couche protectrice qui tapisse la paroi digestive. Ces immunoglobulines « déglycosylées » repassent dans la circulation sanguine où elles sont perçues comme étrangères par le système immunitaire. Séquestrées par des anticorps, elles s’accumulent dans les reins avec les conséquences que l’on connaît.

« Ces travaux originaux apportent une preuve de concept inédite, clarifie Renato Monteiro. Cette observation pourrait en outre concerner d’autres maladies auto-immunes qui impliquent les immunoglobulines A, comme le purpura rhumatoïde par exemple, une maladie des petits vaisseaux. Voire, l’association avec le microbiote intestinal pourrait s’appliquer à d’autres maladies auto-immunes. Ces résultats suscitent un vrai intérêt dans la communauté scientifique et laissent aussi entrevoir de nouvelles possibilités thérapeutiques par la modulation du microbiote intestinal : par antibiothérapie, modification des habitudes alimentaires, ou encore à l’aide d’anticorps monoclonaux ». C’est cette dernière option que l’équipe a choisie de développer avec Inserm Transfert pour lutter contre l’excès d’Akkermansia muciniphila dans la maladie de Berger.


Renato Monteiro est co-responsable de l’équipe Glomérulonéphrites et immunorécepteurs (GLOMI) au Centre de recherche sur l’inflammation (unité 1149 Inserm/Université Paris-Cité), à Paris.


Source : J. Gleeson et al. The gut microbiota posttranslationally modifies IgA1 in autoimmune glomerulonephritis. Sci Transl Med., 27 mars 2024 ; doi : 10.1126/scitranslmed.adl6149

Autrice : A. R.

À lire aussi

Escherichia Coli, entérobactérie, hôte normal du tube digestif. Escherichia Coli a été très utilisée par les généticiens. Certaines souches peuvent être pathogènes (infections urinaires).
Image réalisée en miscroscopie en fluorescence