MICI : Les microARN dans le viseur

Selon une récente étude, pour lutter contre l’inflammation intestinale liée aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), une stratégie efficace pourrait être de bloquer une cible inédite : les microARN. Explications.

Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°63

Douleurs abdominales, diarrhées récidivantes, fatigue chronique… : les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, abrégées MICI, dont la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, peuvent littéralement gâcher la vie. Elles sont liées à une inflammation chronique de l’intestin, une réaction immunitaire exagérée et persistante, nocive à long terme. Alors qu’elles touchent plus de 200 000 Français dont 10 % d’enfants et qu’elles sont associées à un risque accru du cancer du côlon, ces pathologies restent incurables. Certains médicaments permettent d’atténuer l’inflammation intestinale. Problème : 20 à 50 % des patients y deviennent résistants au fil du temps. Mais, bonne nouvelle, Émilie Viennois et ses collègues du Centre de recherche sur l’inflammation à Paris ont mis en évidence une cible thérapeutique inédite : les microARN présents en forte quantité dans l’intestin.

Découverts en 1993, les microARN appartiennent à la même famille de molécules que les ARN messagers (ARNm), célèbres pour avoir permis l’obtention des premiers vaccins anti-Covid. Mais ils sont beaucoup plus petits avec un maximum de 22 nucléotides, contre 200 à 15 000 pour les ARNm. De plus, ils ne sont pas traduits en protéine, mais régulent l’expression des gènes.

Une action directe sur le microbiote

Lors de leurs travaux, la chercheuse Inserm et son équipe ont constaté que deux microARN étaient présents en forte quantité dans les selles des personnes et des souris atteintes d’inflammation intestinale : let-7b et miR-21. Les scientifiques ont donc administré ces deux molécules à des souris non prédisposées à développer une inflammation intestinale. Et ils ont observé plusieurs perturbations typiques de l’inflammation intestinale, dont une augmentation, au niveau du gros intestin, de la production de plusieurs molécules secrétées en cas d’inflammation et une modification de la composition du microbiote intestinal.

Grâce à des expériences chez des souris dépourvues de microbiote intestinal et sur des cultures de microbiote humain, l’équipe a ensuite élucidé le mécanisme d’action de let-7b et de miR-21. « Nos résultats indiquent que ces deux microARN fécaux agissent directement sur le microbiote. Et c’est la perturbation de ce dernier qui contribue à l’inflammation intestinale », explique Émilie Viennois.

Enfin, les scientifiques ont tenté de bloquer les deux microARN à l’aide de molécules conçues pour cela. Et bingo : l’administration de ces inhibiteurs à des souris pourtant prédisposées à développer une inflammation intestinale a empêché l’augmentation de la production de plusieurs molécules de l’inflammation. Mieux, le taux de survie des rongeurs à 80 jours a augmenté de 25 à 40 %, selon l’inhibiteur utilisé. « En juillet 2024, nous avons déposé un brevet international pour protéger ce nouveau concept de traitement pour les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin », souligne Émilie Viennois. Reste maintenant à vérifier que le blocage de miR-21 et let-7b peut faire mieux que les anti-inflammatoires existants.


Émilie Viennois est chercheuse au Centre de recherche sur l’inflammation à Paris (CRI, unité 1149 Inserm/Université Paris-Cité).


Source : M. Casado-Bedmar et al. Fecal let-7b and miR-21 directly modulate the intestinal microbiota, driving chronic inflammation. Gut microbes., 3 septembre 2024 ; doi : 10.1080/19490976.2024.2394249

Autrice : K. B.

À lire aussi

© Benoit Chassaing/Institut Cochin/Inserm.licence CC-BY-NC 4.0 international
inserm_62961_CrohnMICI_IAU.png