Mentalo : Une appli pour décoder le bien-être mental des jeunes

Le moral des jeunes est en berne, mais le mental, c’est comme le physique, ça se coache. Encore faut-il identifier ce qui favorise ou dégrade le bien-être mental. Une identification à laquelle les jeunes de 11 à 24 ans peuvent participer grâce à l’appli Mentalo, conçue avec et pour eux.

Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°63

La santé mentale sera la grande cause nationale 2025 : un coup de projecteur et un soutien bienvenus, notamment pour les jeunes. Et pour cause. « En France, les données de soins et de nombreuses enquêtes suggèrent une dégradation de la santé mentale des jeunes, accentuée par la Covid-19 et les confinements, indique Maria Melchior, directrice de recherche Inserm à l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique à Paris. Néanmoins, la santé mentale est un continuum. On a tous des émotions positives et négatives. Parfois, les négatives augmentent. Et même si ça dure, provoque de la souffrance, ça ne veut pas forcément dire qu’on a un trouble psychiatrique. Mais il faut s’alerter. De fait, sans tous relever de la psychiatrie, les jeunes ne vont pas bien pour plein de raisons différentes : contexte social, climat, guerres dans le monde… » Des raisons que l’étude Mentalo portée par Karine Chevreul, médecin en santé publique et directrice de l’unité Évaluation et recherche en services et politiques en santé pour les populations vulnérables (Eceve) à Paris, vise à mieux cerner chez les jeunes de 11 à 24 ans. « Aujourd’hui, on ne comprend pas pourquoi certains sont résilients, tandis que d’autres sont vulnérables, reconnaît la médecin. C’est pour identifier ce qui impacte précisément leur bien-être mental que nous avons conçu l’application Mentalo, avec les jeunes eux-mêmes. »

Une approche participative

Plus de 300 collégiens, lycéens, étudiants et jeunes actifs, à Paris et en région, ont participé à l’élaboration des questions, apportant leurs connaissances et introduisant des subtilités. « Pour eux, certains sujets rendent triste et d’autres mal ; une différence que nous ne faisions pas. Or, par exemple, les grands incendies qui tuent les animaux les rendent tristes, mais ne les préoccupent pas, illustre Karine Chevreul. Ils nous ont aussi amenés à distinguer les divers usages des écrans car, comme ils l’expliquent, ce n’est pas pareil de regarder une série, d’enchaîner les vidéos courtes de types “shorts” ou “reels”, de chercher des informations, d’échanger avec ses amis, de jouer à plusieurs ou seul… C’est aussi grâce à eux qu’il y a des questions sur le sommeil. »

Finalement, l’étude comprend une série de quatre questions validées scientifiquement (ou PHQ‑4 pour Patient health questionnaire for anxiety and depression) qui évaluent la dépression et l’anxiété, et les modules complémentaires élaborés avec les jeunes. Chaque questionnaire est rempli en cinq minutes environ, et chaque participant est interrogé à sept reprises pendant un an ; le tout exclusivement sur Internet. « Nous avons choisi de passer par une application web accessible via le téléphone, l’ordinateur, la tablette, afin que les jeunes répondent quand ils veulent, ce qui respecte leur intimité et leur anonymat », précise Karine Chevreul.

À la recherche de solutions

Depuis le déploiement de l’application en mai dernier, plus de 4 500 jeunes – sur les 50 000 attendus – s’étant inscrits, de premiers résultats ont été communiqués. Premier enseignement : le mal-être des jeunes se confirme. « Un sur trois a un risque modéré ou sévère d’altération de son bien-être mental de type anxieux-dépressif et un sur sept présente une détresse sévère. En parallèle, seule la moitié en parle parfois à quelqu’un et un quart ne le fait jamais, principalement par honte. Ça confirme le besoin de normaliser la santé mentale », décrit la médecin. Autre constat : un jeune sur deux déclare se sentir seul et il va beaucoup moins bien que les autres. « Ce résultat nous a surpris, mais il s’explique en regardant plus loin. Un quart d’entre eux passe plus de cinq heures sur les écrans en dehors des études ou du travail, même s’il faut nuancer en fonction de ce qu’ils y font. Et neuf sur dix se disent préoccupés principalement par les études, l’orientation et leur avenir scolaire ou professionnel. Viennent ensuite la famille, la politique et l’état du monde, poursuit-elle.

Inversement, les jeunes qui ont des activités sportives et/ou culturelles vont globalement mieux. » Enfin, cette première analyse confirme que tous les moyens de communication pour recruter cette cohorte de science participative en ligne sont bons à prendre. Cela va des ambassadeurs de Mentalo – influenceurs, sportifs, jeunes eux-mêmes – à la presse, en passant par les campagnes d’affichage…

Mentalo va se poursuivre jusqu’en mai 2026, mais l’équipe travaille déjà sur l’étape d’après, l’application Mental plus. « Nous allons élaborer un parcours qui débutera par un bilan sur comment je vais, quels sont mes points forts et mes points faibles. Puis, nous proposerons un accompagnement afin de renforcer son bien-être mental de manière autonome ou en orientant vers des structures de soins, décrit Karine Chevreul. Beaucoup de jeunes sont férus de coaching physique. Grâce à Mental plus, nous voulons qu’ils aient la même démarche avec le coaching mental afin de prévenir et/ou traiter au plus tôt la dégradation de leur santé mentale. » Une démarche approuvée par Maria Melchior : « Il existe en France une très forte inégalité d’accès aux soins, qui doit être comblée. Mais la santé mentale demande des réponses variées, parmi lesquelles s’inscrivent les outils numériques accessibles à tous comme Mentalo ou encore la plateforme du consortium européen Improva que j’anime, et sans doute d’autres qui restent à inventer. »

Pour en savoir plus et participer, consultez le site de l’étude Mentalo

Présentation de l’app Mentalo – 1 min 34

Maria Melchior est épidémiologiste, responsable de l’équipe de recherche en épidémiologie sociale à l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (unité 1136 Inserm/Sorbonne Université) à Paris.

Karine Chevreul est médecin en santé publique et directrice de l’unité Évaluation et recherche en services et politiques en santé pour les populations vulnérables (unité 1123 Inserm/Université Paris-Cité) à Paris.

Autrice : F. D. M.

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