MALPROP : Faire avancer la recherche contre le paludisme

À Paris, au Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses (unité Inserm 1135 / CNRS / Sorbonne Université, CIMI), Olivier Silvie, médecin de formation et directeur de recherche à l’Inserm, guide une équipe de scientifiques engagée dans la recherche contre le paludisme. L’un de ses projets en cours, MALPROP, est financé par l’Agence nationale de la recherche et a pour objectifs de mettre au point de nouvelles formulations vaccinales et tenter d’endiguer cette maladie aux conséquences parfois fatales.

À l’occasion de la 4e édition du festival de culture scientifique de l’Inserm, InScience, Olivier détaille pour nous les enjeux de ce projet passionnant.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Olivier Silvie : Après avoir obtenu mon doctorat en médecine en 2003, j’ai orienté mon parcours vers la recherche scientifique en passant une thèse consacrée à certains mécanismes d’infection au paludisme à l’université Pierre-et-Marie-Curie et réalisée dans un laboratoire de l’Inserm, sous la direction de Dominique Mazier.

J’ai poursuivi dans cette lancée par un post-doctorat en Allemagne dans le laboratoire de Kai Matuschewski, d’abord à l’Université d’Heidelberg puis dans un Institut Max Planck à Berlin, cette fois-ci en étudiant spécifiquement le parasite Plasmodium, directement responsable du paludisme. Pendant ces quatre années, mon objectif premier était de développer une expertise approfondie dans la manipulation génétique du parasite, afin de pouvoir exploiter ce type d’approche pour étudier les mécanismes d’infection et identifier de nouvelles cibles vaccinales.

De retour en France en 2010, j’ai intégré l’Inserm en tant que chargé de recherche, rejoignant à nouveau le professeur Mazier et son équipe. Depuis 2014, je dirige une équipe au sein du Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses, entièrement dédiée à l’étude des mécanismes d’infection du paludisme. Ma passion pour les maladies infectieuses m’a conduit à piloter des projets novateurs, combinant la génétique expérimentale, l’imagerie et la biologie cellulaire, pour décortiquer les mécanismes d’entrée du parasite dans les cellules, ce qui m’a valu d’être promu directeur de recherche en 2017.

De manière simple, comment définiriez-vous le paludisme ?

O. S. : Le paludisme se transmet lorsqu’un moustique porteur du Plasmodium, un parasite unicellulaire, pique un individu. Lors de cette piqûre, le moustique injecte des formes spéciales du Plasmodium, appelées sporozoïtes, dans l’organisme : ces dernières se dirigent vers le foie, où ils se multiplient silencieusement sans causer de symptômes dans un premier temps. 

Après cette phase de multiplication, les parasites parviennent à se libérer et à atteindre la circulation sanguine où ils infectent les globules rouges, déclenchant la phase symptomatique du paludisme, caractérisée par plusieurs troubles potentiels : fièvre, frissons, maux de tête et fatigue, et dans les cas graves, des complications potentiellement mortelles peuvent survenir, notamment le neuropaludisme, dû à la séquestration de globules rouges parasités dans les vaisseaux sanguins du cerveau, ou encore des anémies sévères ou des troubles de croissance du fœtus en cas de paludisme au cours de la grossesse.

Au laboratoire, avec mon équipe, nous explorons les différentes protéines que le Plasmodium utilise pour infecter les cellules du foie, ce qui nous permettrait de mettre au point un nouveau vaccin pour lutter contre cette infection.

©David Chénière

C’est l’un des objectifs de votre projet, MALPROP…

O. S. : Lorsqu’on élabore un vaccin, plusieurs approches sont utilisées, dont les formulations antigéniques : ce terme fait référence à l’introduction d’antigènes, des composants du pathogène, dans le vaccin. L’incorporation de ces éléments vise à familiariser notre système immunitaire avec leur présence, facilitant ainsi sa capacité à les reconnaître et à les détecter rapidement lorsqu’ils pénètrent dans l’organisme. Cette stratégie permet d’induire une réponse immunitaire défensive, réduisant ainsi le risque d’être infecté ou de développer une forme grave de la maladie.

Jusqu’à présent, un seul antigène a été testé dans des vaccins ciblant les sporozoïtes extracellulaires, avec un succès limité. Grâce à différentes approches scientifiques, nous avons identifié plusieurs protéines parasitaires jouant un rôle essentiel dans l’infectiosité des parasites, constituant de nouvelles cibles prometteuses.

La première phase de MALPROP vise à évaluer ces nouvelles cibles afin de déterminer si les anticorps, des protéines produites par le système immunitaire en réponse à la présence d’antigènes étrangers, peuvent effectivement bloquer l’infection. La seconde étape consistera à intégrer ces cibles antigéniques dans des vaccins, dans le but de susciter une réponse immunitaire chez les personnes atteintes de paludisme et, par conséquent, d’induire la production d’anticorps protecteurs.

Comment décririez-vous le métier de chercheur ?

O. S. : Le métier de chercheur est à la fois intellectuel et technique, exigeant un investissement de temps considérable, une grande curiosité et une persévérance inébranlable ! Contrairement à ma formation initiale en médecine, la recherche encourage la créativité et s’inscrit dans un monde pluriel avec une grande diversité de parcours et de spécialités.

Par ailleurs, en tant que chercheur, la nature de mes activités a beaucoup évolué au cours de ma carrière : je joue désormais un rôle de manager, coordonnant les projets scientifiques de mon équipe et assurant l’accès aux ressources nécessaires.

Pour finir, je tiens à exprimer ma gratitude envers les institutions qui soutiennent nos travaux, bien entendu nos organismes de tutelle, l’Inserm, le CNRS et Sorbonne Université, mais également l’Agence nationale de la recherche, la Fondation pour la recherche médicale, ainsi que la région Île-de-France.