Les nanoplastiques, des substances toxiques pour les cellules du placenta humain

Une équipe Inserm de l’université Paris-Cité vient de prouver, in vitro, que des particules nanométriques de polystyrène sont toxiques pour les cellules placentaires humaines. En y pénétrant, ces nanoplastiques induisent une réponse inflammatoire et perturbent le fonctionnement cellulaire, notamment la production de la b-hCG, une hormone indispensable au bon déroulement de la grossesse.

Polypropylène, polyéthylène, polystyrène ou encore polyuréthane : les matières plastiques ont aujourd’hui envahi notre quotidien et notre environnement. Leur usure libère des particules de taille nanométrique, les « nanoplastiques », qui contaminent tous les milieux à travers le monde entier. On en retrouve dans l’air, le sol, les eaux, et même dans les tissus humains. En effet, les nanoplastiques peuvent franchir différentes barrières biologiques, être véhiculés par le sang et s’accumuler dans les organes. Dans un contexte d’augmentation de la fréquence des maladies de la grossesse d’origine placentaires comme la prématurité, la pré-éclampsie ou encore le retard de croissance intra-utérin, l’équipe d’Amal Zerrad-Saadi à l’université Paris-Cité étudie l’effet de ces nanoplastiques sur le placenta.

Cet organe éphémère joue un rôle central pour le bon développement fœtal. Formé à partir de cellules embryonnaires, il produit des hormones comme la b‑hCG, indispensable au bon déroulement de la grossesse. Il permet en outre l’approvisionnement du fœtus en oxygène et en nutriments tout en formant une barrière qui le protège des infections et de certaines substances toxiques. Mais des études conduites dans plusieurs pays indiquent que les nanoplastiques sont capables de franchir cette protection et de contaminer le placenta humain. Afin d’en étudier les conséquences, « quelques travaux ont déjà été menés avec des lignées de cellules placentaires capables de se diviser indéfiniment, un modèle expérimental courant et pratique, mais qui ne reflète pas avec précision le comportement et le fonctionnement des cellules humaines in vivo », explique Amal Zerrad-Saadi. Pour aller plus loin, son équipe a donc pour la première fois travaillé avec des cellules isolées à partir de placentas humains prélevés lors d’accouchements.

Des dysfonctionnements cellulaires multiples

L’équipe a exposé ces cellules placentaires à des particules de polystyrène de 20 ou 100 nanomètres (nm), dans une gamme de concentrations équivalentes à celles retrouvées dans le sang d’individus de la population générale, soit 1 à 10 microgrammes par millilitre (µg/mL). Dans les 48 heures suivant l’exposition, les chercheurs ont ensuite analysé un grand nombre de paramètres associés à l’état et au fonctionnement des cellules. Les résultats obtenus montrent que la réponse des cellules placentaires varie selon la taille et la dose des particules auxquelles elles sont exposées. Les nanoplastiques de petite taille (20 nm) sont plus rapidement internalisés, s’accumulent dans des vésicules intracellulaires (les phagolysosomes) et sont plus toxiques que les nanoplastiques de plus grande taille, et cela dès la plus faible concentration testée (1 µg/mL). Mais les deux tailles de particules induisent une réaction pro-inflammatoire et, surtout, une diminution de la sécrétion de la b‑hCG. « Nos travaux montrent donc un impact délétère des nanoplastiques sur la fonction endocrine des cellules placentaires humaines, leur capacité à produire des hormones. Une observation qui soulève une question importante : les nanoplastiques sont-ils des perturbateurs endocriniens ? », s’interroge Amal Zerrad-Saadi.

La prochaine étape de ce travail consistera à analyser l’effet d’autres types de nanoplastiques que le polystyrène, ainsi que les conséquences d’une exposition plus longue des cellules placentaires aux nanoplastiques. Pour mimer une exposition chronique à ces polluants, les chercheurs utiliseront des fragments de placenta humain placés en culture. L’équipe veut également étudier les taux de contaminations des placentas humains, et rechercher de possibles associations entre ces éléments et des problèmes d’origine placentaire. « Nos résultats viennent renforcer le faisceau de données qui incite à la prudence au regard de l’usage des plastiques et appelle à réduire nos sources d’expositions. Je pense par exemple à l’eau en bouteilles plastiques, parfois privilégiée par rapport à l’eau du robinet alors qu’elle contient autant, voire plus de particules plastiques », illustre Amal Zerrad-Saadi.


Amal Zerrad-Saadi est enseignante-chercheuse à l’université Paris-Cité et dans l’unité de recherche Fonctions placentaires et reproductives, microbiote pré- et post-natal (FPRM, unité 1139 Inserm /Université Paris-Cité) à Paris.


L. Poinsignon et coll. Exposure of the human placental primary cells to nanoplastics induces cytotoxic effects, an inflammatory response and endocrine disruption. J Hazard Mater, 26 février 2025 ; doi : 10.1016/j.jhazmat.2025.137713

Autrice : A.R.

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