La mini-puberté décrite chez le mâle

La mini-puberté est une étape du développement qui survient chez tous les mammifères, nous compris, juste après la naissance. Elle est nécessaire à la maturation du cerveau et à la fertilité ultérieure. Son déroulement était déjà décrit chez la souris femelle, et les travaux d’une équipe Inserm du CHU de Lille, conduits chez le mâle, complètent aujourd’hui le tableau. À terme, ces connaissances pourraient aider à lutter contre des troubles qui surviennent chez les enfants prématurés qui présentent une mini-puberté anormale. 

Au CHU de Lille, des chercheurs espèrent améliorer le pronostic des enfants nés prématurément, qui présentent un risque accru de troubles sensoriels, cognitifs ou encore métaboliques à l’âge adulte. De précédents travaux qu’ils ont menés chez l’animal ont montré une corrélation entre le risque de développer ces troubles et la survenue d’une mini-puberté anormale. En étudiant cette association, les scientifiques ont découvert l’implication majeure du monoxyde d’azote (NO), une molécule produite dans le cerveau par des neurones spécialisés. « Le NO régule l’activité d’autres neurones qui produisent une hormone appelée GnRH (pour Gonadotropin Releasing Hormone) et orchestrent la mise en place et la régulation de la fonction de reproduction. Lorsqu’on supprime l’activité des neurones à NO chez des souris, la mini-puberté est anormale, les animaux sont infertiles et développent en outre un cortège de troubles sensoriels et mentaux similaires à ceux observés chez certaines personnes nées prématurément », explique Konstantina Chachlaki, chercheuse Inserm au laboratoire Neuroscience et cognition du CHU de Lille. Pour espérer prévenir l’apparition de ces troubles développementaux, les chercheurs doivent donc commencer par comprendre comment fonctionne la mini-puberté et le rôle qu’y jouent les neurones qui produisent le NO. Ils réalisent ce travail dans le cadre du programme de recherche international miniNO coordonné par Vincent Prévot et Konstantina Chachlaki.

La mini-puberté, qu’est-ce que c’est ?

La mini-puberté des mammifères survient juste après la naissance. Elle est nécessaire à l’acquisition ultérieure de la fertilité et joue un rôle dans la maturation du cerveau. Elle correspond à une phase d’activation temporaire de l’axe qui relie cerveau et organes génitaux (l’axe gonadotrope). Les neurones à GnRH qui orchestrent la mise en place et la régulation de la reproduction au niveau du cerveau sont temporairement activés, conduisant à la production précoce d’hormones LH et FSH responsables du fonctionnement des gonades (ovaires et testicules). Le système s’éteint rapidement, et il faut attendre la véritable puberté, à l’adolescence, pour assister à son réveil.

L’équipe a déjà décrit le déroulement de la mini-puberté chez des souris femelles, mais il manquait des données chez le mâle. Une lacune que Virginia Delli s’est attelée à combler dans le cadre de son doctorat, réalisé sous la direction de Konstantina Chachlaki. Ce travail a mis en évidence plusieurs différences entre les animaux des deux sexes. Chez le mâle, un pic de production de l’hormone FSH se produit 23 jours après la naissance, alors qu’il survient une semaine plus tôt chez la femelle. Un pic de LH est ensuite observé, 30 jours après que le taux de FSH soit revenu à son niveau de base, marquant une mini-puberté en deux phases. Concernant les hormones stéroïdes, le taux de testostérone reste faible chez les mâles pendant toute la mini-puberté, alors que celui d’œstrogènes est au contraire élevé, comme chez les femelles. Mais la provenance de ces œstrogènes, qui vont activer les neurones à NO, varie selon les sexes : « Chez la femelle ces hormones sont issues des ovaires, alors que chez le mâle, elles ne proviennent pas des testicules mais d’autres tissus qui produisent également des œstrogènes, comme le tissu adipeux, les os ou encore la peau », explique Konstantina Chachlaki.

Enfin, l’utilisation de souris mâles génétiquement modifiées a permis aux chercheurs de montrer que l’absence de NO bouleverse cette mécanique : le pic de FSH est plus faible et celui de LH est plus précoce. Il en résulte un dysfonctionnement dans la production des hormones sexuelles, avec notamment un déficit en testostérone et en œstrogènes qui impacte l’activation des neurones à NO, avec peut-être à la clé des problèmes de maturation du cerveau qui expliqueraient les anomalies de développement ultérieures.

Un essai clinique en cours

En attendant de continuer à décrypter ces mécanismes qui semblent lier prématurité et troubles développementaux, Konstantina Chachlaki a contribué à lancer un essai clinique pour savoir si les nourrissons prématurés qui ont reçu du NO à la naissance dans le but de faciliter l’ouverture de leurs bronches (une pratique courante) présentent une mini-puberté normale et moins de troubles développementaux ultérieurs que ceux qui n’en ont pas reçu. Si tel est le cas, la prise en charge de ces enfants pourrait évoluer, avant même que la biologie ait fait toute la lumière sur ces anomalies.


Konstantina Chachlaki est chercheuse au sein de l’équipe Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine dirigée par Vincent Prévot, dans l’unité de recherche Lille neuroscience et cognition (unité 1172 Inserm/Université de Lille/CHU de Lille).


Source : V. Delli et coll. Male minipuberty involves the gonad-independent activation of preoptic nNOS neurons. Free Radical Biology and Medicine, édition en ligne du 5 décembre 2022. doi : 10.1016/j.freeradbiomed.2022.11.040

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