Difficultés respiratoires : l’empathie des soignants soulage le vécu des patients

Les maladies respiratoires entraînent des situations de difficultés, voire de détresses, respiratoires. Au-delà de leurs conséquences fonctionnelles, ces dernières sont souvent très mal vécues par les patients sur le plan émotionnel, avec beaucoup de peur et d’anxiété. À Sorbonne Université, une équipe dédiée à l’étude des relations entre le système nerveux et l’appareil respiratoire montre que l’empathie des soignants peut contribuer à soulager les patients. 

Environ 10 % de la population française est atteinte de maladies respiratoires, dont l’asthme et la bronchopneumopathie obstructive. Ces maladies entraînent des difficultés respiratoires aiguës ou chroniques, appelées dyspnées, qui sont une source d’angoisses et d’incertitudes pour les patients. « Avoir du mal à respirer est une situation qu’on ne contrôle pas et cela génère de la peur, clarifie Thomas Similowski, directeur d’une unité de recherche Inserm/Sorbonne Université. Nous supposons qu’agir sur la composante émotionnelle de la dyspnée pourrait réduire le mal-être des patients concernés. Je pense en particulier aux personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques qui connaissent des épisodes sévères de dyspnée malgré un traitement bien suivi. Pour elles, la réassurance semble être un moyen d’intervention supplémentaire. »

L’empathie à l’étude

Pour tester cette hypothèse, l’équipe de Thomas Similowski a évalué l’impact de l’empathie des soignants en cas de dyspnée. « Nous savons que l’empathie soulage la douleur en jouant sur la composante émotionnelle. Or comme la douleur, la fonction respiratoire est associée à une composante psychologique puisque l’anxiété ou la peur accélèrent la respiration, illustre le professeur de pneumologie. Nous avons donc supposé que l’empathie pourrait également avoir un effet bénéfique sur le vécu de la dyspnée. Mais cette hypothèse n’est pas évidente : si la douleur est une expérience universelle – tout le monde l’a éprouvée un jour ou l’autre et peut partager le ressenti d’un malade – ce n’est pas le cas de la détresse respiratoire. Le plus souvent, un soignant ne sait pas ce que vit son patient et cela peut le mettre mal à l’aise. »

Pour explorer cette dimension, l’équipe a mené une expérience avec des volontaires sains. Les chercheurs ont provoqué une dyspnée aiguë et intense chez 80 adultes en leur faisant respirer du dioxyde de carbone dans des conditions contrôlées. Pendant l’expérience, la moitié des volontaires était accompagnée par des soignants (médecins et infirmiers) bienveillants, qui favorisaient des contacts visuels et physiques et étaient ouverts aux échanges. L’autre moitié était délaissée par les soignants, qui se contentaient de répondre de façon neutre à leurs éventuelles questions. À l’issue de cette séquence, les participants ont évalué les composantes émotionnelles (anxiété, peur...) et sensorielles (intensité de la détresse respiratoire) de la dyspnée à l’aide de deux outils d’évaluation spécifiques.

Du laboratoire à la clinique

Les personnes qui avaient bénéficié d’une réelle empathie avaient mieux vécu l’expérience que les autres, à la fois sur le plan émotionnel et sensoriel. « La différence est tout à fait significative sur les échelles d’évaluation, en particulier pour la composante affective. Cela prouve, comme notre intuition le suggérait, que l’empathie soulage les patients atteints de dyspnée en jouant sur cette composante », explique Thomas Similowski. L’expérience s’est déroulée dans des conditions expérimentales et contrôlées : les volontaires savaient que tout irait bien et leur vécu négatif était certainement moins fort que celui de patients hospitalisés pour une détresse respiratoire dont l’issue est incertaine. « Nous supposons que le bénéfice d’une grande sollicitude serait plus élevé en vie réelle », anticipe le chercheur.

Pour l’équipe, ce travail est une preuve de concept, la première étape d’un projet plus vaste : « Nous voulons prouver aux soignants que l’empathie est utile auprès des patients atteints de maladies respiratoires. Et pour cela nous voulons aussi découvrir les déterminants de la sollicitude empathique ou au contraire de l’absence d’empathie. Nous prévoyons une nouvelle étude qui inclura 400 soignants à qui nous diffuserons des vidéos de patients en détresse respiratoire pour documenter leur ressenti et leurs réactions. À terme, nous souhaitons proposer des formations à l’empathie qui soient ciblées sur la dyspnée pour soulager de façon globale le fardeau des patients atteints de maladies respiratoires, souvent invisible aux yeux de l’entourage », conclut-il.


Thomas Similowski est directeur de l’unité de recherche Neurophysiologie respiratoire expérimentale et clinique (unité 1158 Inserm/Sorbonne Université) à Paris. Il vient de publier Les Superpouvoirs de la respiration, un ouvrage dans lequel il dresse un panorama des influences majeures et réciproques entre l’appareil respiratoire et le cerveau. Pour en savoir plus, lire notre interview parue dans le dernier numéro du magazine de l’Inserm (page 46).


Source : N. Nion et coll. Empathetic solicitude attenuates the affective and sensory dimensions of CO2-induced dyspnea : A randomized parallel arm experimental trial in healthy humans. Psychophysiolgy. 3 décembre 2024 ; doi :10.1111/psyp.14740

Autrice : A. R.

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