Diabète et obésité : des pistes prometteuses pour un traitement personnalisé

À l’Institut Cochin (unité Inserm 1016 / CNRS / Université Paris Cité), Ralf Jockers, directeur de recherche Inserm et chef de l’équipe « Pharmacologie fonctionnelle et physiopathologie des récepteurs membranaires », s’est intéressé aux conséquences des mutations d’un gène codant pour le récepteur d’un peptide dit « glucagon-like », GLP1R, une hormone intervenant dans le déclenchement de la satiété.

En collaboration avec des équipes de recherche française, britannique et chinoise, il publie dans Nature Metabolism les résultats d’une étude, dans laquelle il démontre que ces mutations ont des impacts sur des caractéristiques métaboliques telles que la régulation du glucose et du poids corporel, tout en influençant l’efficacité des agonistes du GLP1R utilisés en clinique pour le traitement des patients diabétiques et / ou obèses.

Le contexte

Le glucagon-like peptide 1 (GLP1), une hormone clé libérée principalement par le tractus gastro-intestinal en réponse à l’apport alimentaire, joue un rôle central dans la régulation de la sécrétion d’insuline et du poids corporel. Son action s’exerce en activant le récepteur du glucagon-like peptide 1 (GLP1R), présent à la fois dans les cellules β du pancréas et le cerveau.

Les agonistes du GLP1R, tels que le liraglutide et le semaglutide, ont émergé comme des outils essentiels dans le traitement du diabète de type 2 (DT2) et de l’obésité. Cependant, malgré leur utilisation, une question demeure à ce jour : quelle est l’importance réelle des mutations naturelles du gène GLP1R chez l’Homme ?

À l’Institut Cochin, Ralf Jockers et ses collaborateurs ont ainsi tenté de mettre en lumière le lien entre les variations génétiques du GLP1R et les caractéristiques métaboliques liées au DT2 et à l’obésité, ainsi que leur impact sur la réponse aux traitements actuels. Leur objectif ? Adapter les thérapies en fonction des variations individuelles, ouvrant ainsi la voie à un potentiel accru de la médecine personnalisée dans le domaine du métabolisme.

Les résultats

Une analyse génétique fonctionnelle approfondie a été réalisée sur 60 variants rares du gène GLP1R. Parmi ces variants, 56 ont révélé des impacts significatifs sur le récepteur GLP1R, perturbant son fonctionnement en provoquant des anomalies dans son expression à la surface cellulaire et altérant la voie du monophosphate d’adénosine cyclique (cAMP), un messager intracellulaire essentiel. Le cAMP joue un rôle crucial en transmettant les signaux nécessaires pour réguler divers processus métaboliques au sein des cellules.

Ces perturbations ont des conséquences majeures, notamment des défauts dans la sécrétion d’insuline. Cependant, les chercheurs ont mis en lumière des possibilités prometteuses pour corriger ces anomalies.

Deux approches pharmacologiques se sont révélées efficaces :

  • l’utilisation de concentrations élevées d’agonistes, agissant comme des stimulants moléculaires ;
  • la combinaison subtile de faibles concentrations d’agonistes et de modulateurs allostériques positifs (PAM), agissant comme des régulateurs et rétablissant le bon équilibre dans la réponse cellulaire. 

D’autre part, les mutations de perte de fonction (LoF) du GLP1R, repérées chez 200 000 participants de la UK Biobank, une vaste base de données génétique et de santé rassemblant des détails sur la génétique, les habitudes de vie et la santé de centaines de milliers de participants, ont été associées à des perturbations dans la régulation du glucose et à une augmentation de l’adiposité. Il semble que le GLP1R joue un rôle majeur dans l’orchestration de ces processus métaboliques.

Ce consortium a également observé que les mutations LoF de la voie β‑arrestine pouvaient en réalité améliorer certaines caractéristiques métaboliques. Cette voie agit comme un frein pour la signalisation du GLP1R. En entravant cette voie, il a été découvert qu’il était possible d’améliorer la régulation de la sécrétion d’insuline.

Les perspectives

Cette étude suggère que les mutations de perte de fonction (LoF) du récepteur GLP1R, en particulier celles entraînant une expression défectueuse du GLP1R à la surface cellulaire ou une altération de l’activation du cAMP, sont associées à une sécrétion défectueuse d’insuline in vitro, ainsi qu’à des perturbations de l’homéostasie du glucose et à une augmentation de l’adiposité chez les participants de la UK Biobank.

Ces résultats revêtent une grande importance pour la médecine personnalisée, offrant des pistes thérapeutiques pour les individus porteurs de variants génétiques associées à un risque. Les traitements ciblant le récepteur GLP1R, y compris son homologue GIPR (récepteur du glucose-dependent insulinotropic polypeptide), tels que les agonistes du GLP1R/GIPR, émergent comme des options cruciales pour réguler la glycémie et le métabolisme.

Parallèlement, l’utilisation de modulateurs positifs allostériques (PAM) spécifiques au GLP1R offre une approche prometteuse en renforçant l’activité du récepteur GLP1R, permettant une modulation plus efficace du métabolisme.

L’exploration de la voie de signalisation intracellulaire Gs/cAMP est également significative. Lorsque le récepteur GLP1R est activé, il stimule la protéine Gs (protéine G stimulatrice), déclenchant la production de cAMP. Des médicaments ciblant cette voie, plutôt que la voie β‑arrestine, pourraient représenter une avancée majeure dans la régulation métabolique.

L’impact de l’expression défectueuse du GLP1R à la surface cellulaire suggère que des chaperons pharmacologiques, des molécules connues pour faciliter l’exportation adéquate des protéines à la surface cellulaire, pourraient être d’une importance thérapeutique pour les porteurs de mutations.

Ces découvertes ouvrent la voie à une diversification des options thérapeutiques visant le GLP1R, bénéficiant aux porteurs de mutations LoF, ainsi qu’aux patients obèses et diabétiques résistants aux traitements actuels ou confrontés à des effets indésirables graves. En résumé, cette étude offre des perspectives variées pour répondre aux besoins spécifiques de chaque individu en matière de traitement.


Ralf Jockers est directeur de recherche Inserm, et chef de l’équipe Pharmacologie fonctionnelle et physiopathologie des récepteurs membranaires de l’Institut Cochin à Paris (unité Inserm 1016 / CNRS / Université Paris Cité).


Source : W.Gao et coll. Human GLP1R variants affecting GLP1R cell surface expression are associated with impaired glucose control and increased adiposity, Nature Metabolism, 14 septembre 2023 ; doi.org/10.1038/s42255-023–00889‑6