Complications cardiaques : comment repérer les sportifs à risque ?

La pertinence de dépister la maladie coronarienne chez tous les sportifs amateurs en bonne santé reste débattue dans la communauté médicale. Une équipe stéphanoise a identifié ceux auprès desquels la réalisation d’un électrocardiogramme (ECG) d’effort – un examen qui consiste à enregistrer l’activité électrique cardiaque au cours d’un exercice physique soutenu – serait la plus adaptée.

« Même en excellente forme physique apparente, les sportifs peuvent présenter une dyslipidémie, une hypertension artérielle, être tabagiques… explique David Hupin, médecin du sport au CHU de Saint-Étienne et chercheur dans l’unité Inserm Sainbiose. Autant de paramètres qui favorisent le rétrécissement progressif du diamètre des coronaires, les artères qui alimentent le cœur : c’est ce qu’on appelle la maladie coronarienne. Chez les adultes de plus de 35 ans, cette maladie est la principale cause de mort subite cardiaque. » Cet évènement est heureusement très rare chez les adultes en bonne santé, mais il est malgré tout plus fréquent chez les sportifs, au cours de l’effort. Attention, cela ne veut pas dire que le sport est dangereux pour la santé : « Les bénéfices de l’activité physique sont largement supérieurs aux risques auxquels elle expose, et les personnes sportives ont un risque cardiovasculaire nettement inférieur à celui des personnes inactives ! insiste le spécialiste. Cependant, l’activité sportive augmente le rythme cardiaque, la tension artérielle, la déshydratation… Autant d’éléments stressants qui peuvent révéler la présence de plaques d’athérome : silencieuses au repos, elles vont réduire le flux sanguin et l’oxygénation du cœur lors d’un effort. » Or ce défaut dans l’approvisionnement du muscle cardiaque, nommé ischémie, peut conduire à des évènements cardiaques aigus, comme un infarctus du myocarde.

Un examen simple, mais imparfait

Face à ce danger, les médecins sont partagés sur la place de l’électrocardiogramme d’effort dans le repérage des sportifs amateurs à risque. Car s’il s’agit de l’examen le plus simple et le plus accessible pour évaluer la fonction cardiaque et l’existence d’une maladie coronarienne, il n’est pas parfait. Il peut en effet donner des résultats erronés, faussement rassurants ou, à l’inverse, qui conduisent à pratiquer des examens complémentaires inutiles, coûteux et stressants. C’est la raison pour laquelle on ne propose généralement pas ce test aux sportifs amateurs s’ils n’ont pas de symptômes particuliers. Aussi, au sein de l’équipe dirigée par Frédéric Roche au CHU de Saint-Étienne, David Hupin a cherché à savoir s’il serait possible d’identifier, parmi les sportifs de plus de 35 ans, ceux qui seraient les plus à risque d’évènement cardiaque aigu, alors même qu’ils ne présentent aucun signe avant-coureur évident. Ainsi que ceux chez lesquels le résultat de l’ECG d’effort serait le plus fiable. Ce travail montre que la plupart des sportifs asymptomatiques qui présentent au moins deux facteurs de risque cardiovasculaires ont un risque significatif de complications qui peut être identifié par un ECG d’effort.

Pour cela, le chercheur et son équipe ont scruté l’activité électrique du cœur de près de 2 500 sportifs de plus de 35 ans, en apparente bonne santé cardiovasculaire : « Nous avons cherché l’anomalie spécifique du tracé ECG qui traduit l’apparition d’une ischémie lorsque les participants sont invités à pédaler à un rythme soutenu, adapté à leur capacité cardiaque. » Un sportif sur 10 présentait cette anomalie à l’ECG d’effort, et les examens complémentaires ont confirmé que la plupart d’entre eux présentaient bien une ischémie sans symptômes apparents, dite « silencieuse ».

Repérer 77 % des sportifs à risque

Dans les 3 années qui ont suivi la réalisation de l’ECG d’effort, 2 % des participants ont été victimes d’un événement cardiovasculaire, majoritairement d’un infarctus du myocarde. « En analysant tous les paramètres sociodémographiques, cliniques et les antécédents des participants que nous avions recueillis avant le test d’effort, nous avons établi que ceux qui avaient au moins deux facteurs de risque cardiovasculaire multipliaient par deux la probabilité d’avoir un ECG d’effort anormal, par 8 celle de présenter une ischémie cardiaque silencieuse, et par 7 le risque de développer une complication cardiaque sévère au cours du suivi. Ce qui suggère que lon pourrait sélectionner relativement simplement les sportifs qui tireraient le meilleur bénéfice du test d’effort. » Dans ce groupe à risque, l’ECG d’effort a une spécificité de 93 %, ce qui veut dire que 93 sujets sur 100 avec un résultat anormal ont bien une ischémie silencieuse. Il a aussi une sensibilité de 77 %, ce qui veut dire qu’utilisé en tant qu’examen de dépistage, le test d’effort permettrait de repérer plus de trois quarts des sportifs concernés.

Ce résultat a été confirmé lorsque l’analyse était restreinte aux données recueillies auprès des sportifs masculins. « Mais nous ne pouvons pas tirer de conclusions pour les femmes, car elles ont été peu nombreuses à participer à l’étude et qu’elles ont un risque accru de résultats faux positifs à l’ECG. Il faudra donc mener des études spécifiques chez ces sportives », précise David Hupin. Le suivi à plus long terme de cette cohorte et la validation de ses conclusions avec d’autres cohortes similaires devraient, en attendant, améliorer la puissance statistique et la fiabilité des résultats de cette première étude. Il aidera aussi à évaluer si d’autres troubles, comme la fibrillation atriale (un désordre du rythme cardiaque dont la fréquence augmente avec l’âge), peuvent aussi augmenter le risque cardiaque des sportifs au cours de l’effort. Enfin, l’équipe de recherche souhaite évaluer si l’ampleur de l’augmentation de la pression artérielle à l’effort, puis son délai de normalisation post-effort, sont associés à une moins bonne récupération cardiaque et au risque cardiovasculaire. « Tous ces résultats pourraient aider à établir des algorithmes décisionnels pour orienter les médecins dans le suivi des sportifs amateurs. »


David Hupin est chercheur au sein de l’équipe Dysfonctions vasculaires et de l’hémostase, dans l’unité de recherche Santé ingénierie biologie Saint-Étienne (Sainbiose, unité 1059 Inserm/Université Jean-Monnet-Saint-Étienne/Mines ParisTech).


Source : D. Hupin et coll. Screening Sportsmen and Sportswomen Over Age 35 : The Relevance of an Exercise Electrocardiogram. Data From the SEEPRED Study. Scand J Med Sci Sports, 3 juillet 2024 ; doi :10.1111/sms.14686

Autrice : C. G.

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