Chromosome X et maladies auto-immunes : une connexion révélée ?

Dans une étude récemment publiée dans la revue Science Advances, le groupe de recherche dirigé par Céline Morey, chercheuse Inserm dans l’équipe de Claire Rougeulle à Paris, collaboration étroite avec les équipes de Jean-Charles Guéry (unité 1291 Inserm / CNRS / Université Toulouse-III-Paul-Sabatier) et de Michele Goodhardt (unité 976 Inserm / Université Paris Cité), a démontré un lien entre l’inactivation incomplète du deuxième chromosome X chez les mammifères femelles et le développement de maladies auto-immunes.

Le contexte

Chez les mammifères, l’immunité des femelles est plus forte que celle des mâles. Cette immunité renforcée présente plusieurs avantages, notamment une meilleure résistance à différents types de pathogènes (virus, bactéries…) ou une meilleure réponse vaccinale. Cependant, elle peut devenir néfaste lorsqu’elle n’est pas correctement contrôlée. Le système immunitaire devient alors trop réactif et s’attaque aux cellules de l’organisme ce qui se manifeste sous la forme de maladies auto-immunes. La plupart de ces maladies, comme le lupus, touchent majoritairement les femmes. Comprendre l’origine de cette différence sexuelle est donc un enjeu primordial pour mieux traiter ces maladies.

Les gènes du chromosome X : régulateurs essentiels de l’immunité

Une hypothèse étudiée est l’implication du chromosome X qui est particulièrement riche en gènes liés aux fonctions immunitaires. Des anomalies d’expression de certains de ces gènes, tels que les gènes de la famille des récepteurs Toll-like (TLR), sont responsables de l’apparition de maladies auto-immunes.

On pourrait alors penser que la présence de deux chromosomes X chez les femelles et d’un seul chez les mâles est suffisante pour expliquer cette différence d’immunité. Pourtant, lors des étapes précoces du développement des mammifères femelles, l’un des chromosomes X est réprimé. Cette inactivation est maintenue tout au long de la vie adulte, ce qui rééquilibre l’expression des gènes du X entre les sexes.

Défauts d’inactivation du chromosome X : un lien avec les maladies auto-immunes

C’est pour cette raison que Céline Morey, son équipe et ses collaborateurs ont enquêté sur le lien entre une inactivation anormale du deuxième chromosome X et l’apparition de symptômes auto-immuns. Chez un modèle animal présentant des défauts d’inactivation, l’équipe a notamment observé une surexpression de gènes TLR associée à des signes d’inflammation typiques du lupus.

Ces résultats suggèrent qu’il pourrait y avoir un lien direct entre cette maladie et l’inactivation incomplète du deuxième chromosome X. Cette découverte pourrait déboucher sur le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques ciblant des régulateurs de l’inactivation du chromosome X. Ces stratégies sont envisageables pour traiter le lupus, mais aussi d’autres maladies auto-immunes qui touchent préférentiellement les femmes.


Céline Morey est chargée de recherche à l’Inserm et membre de l’équipe ARN non codants, Différenciation et Développement au sein de l’unité Epigénétique et Destin Cellulaire (UMR 7216 CNRS / Université Paris Cité)


Source : C. Huret et al. Altered X‑chromosome inactivation predisposes to autoimmunity. Science Advances, 3 mai 2024 ; doi : 10.1126/sciadv.adn6537