Juliette Hadchouel : Nourrir son âme d’enfant

Curieux, libres d’explorer leurs intérêts et leur avenir, les scientifiques restent des enfants qui continuent de se poser des questions. La carrière de Juliette Hadchouel, c’est l’histoire d’une chercheuse de l’Inserm qui grandit entourée de science, et qui cultive cet espace pour les autres, notamment les plus jeunes, dans l’espoir de les faire réfléchir sur des sujets de santé publique.

Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°63

Juliette Hadchouel ©Inserm/François Guénet
Juliette Hadchouel est codirectrice de l’unité de recherche Maladies rénales fréquentes et rares : des mécanismes moléculaires à la médecine personnalisée (CoRAKiD, unité 1155 Inserm/Sorbonne Université) à l’hôpital Tenon, à Paris ©Inserm/François Guénet

Comme beaucoup d’enfants, Juliette Hadchouel voit son futur tracé. Elle rêve de devenir vétérinaire. Mais rattrapée par la réalité du métier, et happée par le travail en laboratoire, elle se lance dans une thèse à l’institut Pasteur. La chercheuse s’intéresse à la biologie du développement et à la génétique moléculaire. « C’était fantastique de savoir comment, à partir d’une cellule unique, on pouvait obtenir des bras, des jambes, des yeux… », décrit-elle. Et rapidement elle voit plus grand : « En général, l’étude de l’embryon en formation amène à travailler sur un temps très court et sur une population de cellules particulière. Finalement c’est assez réducteur et je souhaitais revenir à des études plus globales, sur l’animal entier, comme j’avais pu le faire en école vétérinaire. »

Globe-trotteuse du rein

Juliette Hadchouel s’engage alors dans un postdoctorat à Édimbourg pour faire de la physiologie. Avec une mère chercheuse qui travaillait sur le foie, Juliette, bien que ravie de faire le même métier, se refuse à étudier le même organe. Le choix du rein se fait presque de lui-même : « C’était avant tout un choix géographique. Je voulais partir en Écosse, et j’ai fait en sorte que ça marche. J’ai trouvé un labo qui faisait de la physiologie rénale qui m’intéressait. Mon parcours, c’est aussi une accumulation de concours de circonstances. » Et justement, la fin de la thèse de Juliette Hadchouel coïncide avec de nombreuses découvertes de gènes responsables de maladies génétiques. « Mais l’histoire s’arrêtait à l’identification du gène, décrit la chercheuse. Je voulais découvrir la suite, comment on passe de la mutation à la maladie. C’est ce que j’ai fait en combinant mes connaissances en physiologie du rein et les outils génétiques développés pendant ma thèse. »

En rentrant à Paris, elle obtient du premier coup son concours pour devenir chargée de recherche Inserm. Elle trouve un poste pour analyser le rôle du gène WNK1 dans le syndrome de Gordon, une forme rare d’hypertension artérielle qui prend son origine dans le rein. « C’est le projet dont j’avais toujours rêvé », se réjouit-elle. En décortiquant les mécanismes moléculaires et physiologiques qui conduisent à cette pathologie, Juliette Hadchouel allait également contribuer à comprendre un paradoxe physiologique en suspens depuis plusieurs dizaines d’années, celui de l’aldostérone, une hormone qui joue sur l’absorption du sel et la sécrétion du potassium par le rein. « Notre découverte n’a pas fait la une des journaux, mais nous avons répondu à une problématique qui était dans les livres de physiologie. »

Juliette Hadchouel travaille sur ce processus physiologique pendant 14 ans. Puis, en 2016, elle change de domaine et de laboratoire. De la physiologie rénale, elle passe à l’étude de pathologies rénales à l’hôpital Tenon à Paris dans le laboratoire CoRaKiD, seule unité de recherche en France à travailler exclusivement sur les maladies du rein. C’est un grand changement : « Nous avions raconté une belle histoire. Je commençais à tourner en rond, limitée par les outils à ma disposition. Mais c’est la beauté du métier de chercheur : il n’est pas routinier. Si on souhaite changer, on le peut. Aujourd’hui, je découvre un nouveau domaine de recherche. Je travaille sur le même organe, mais c’est comme si j’avais changé d’objet d’étude. »

Juliette Hadchouel se passionne maintenant pour un domaine en pleine expansion : l’insuffisance rénale aiguë, caractérisée par une perte brutale de la fonction rénale. Bien que souvent accompagné d’une reprise normale des fonctions, cet évènement fragilise le rein, qui garde en mémoire l’agression. Comment, pourquoi, quels sont les moyens de réparer, limiter ou prévenir les dégâts ? Autant de questions que la chercheuse souhaite dorénavant résoudre, pour son plus grand bonheur, mais aussi celui de son public de prédilection : les scolaires.

Découvrir et transmettre

Pour elle, être chercheuse c’est faire des découvertes mais aussi transmettre, autant auprès de ses pairs que d’un public plus large : « Les chercheurs de la fonction publique ont un devoir de partage des connaissances. » Juliette Hadchouel tire profit de la polyvalence de son poste à l’Inserm pour intervenir auprès d’enfants du CM1 à la terminale. Elle partage ses connaissances et ses découvertes en classe et en ouvrant les portes de son laboratoire. « Je reconnais en eux mon envie de comprendre, explique-t-elle. Les enfants sont comme les scientifiques : curieux. C’est dans leur nature de poser des questions. Les scientifiques sont des enfants qui avaient encore des questions à poser. Et quand leur entourage n’avait plus les réponses, ils ont décidé de les chercher seuls ! »

Aujourd’hui porte-parole de ce genre d’initiatives auprès de ses collègues et de l’Inserm, Juliette Hadchouel propose des formats ludiques et interactifs qui informent et font réfléchir sur les pratiques de la recherche et des sujets de santé publique. En partant de son travail autour du rein, elle explique le fardeau des maladies chroniques sur nos sociétés tout en soulignant le rôle de la prévention. « Les enfants comprennent d’eux-mêmes l’importance de prendre soin de soi, détaille-t-elle. Mais ils se sentent peu concernés par des problématiques de vieillesse. En se saisissant des enjeux, ils captent rapidement que c’est dès le plus jeune âge qu’il faut commencer. »

Les messages inspirent autant que les initiatives de la chercheuse, qui ont pour but de démocratiser ces pratiques et de réengager l’interaction de l’Inserm avec les scolaires. « En travaillant avec les enfants, je retrouve une partie de moi-même et je donne sens à ce que je fais, conclut-elle. Cela remet en perspective nos découvertes. Cet aspect du travail de chercheur est tout aussi important, pour moi mais aussi pour la société. J’aimerais qu’il soit davantage reconnu. » Une nouvelle mission que Juliette Hadchouel se donnera à cœur d’accomplir, c’est certain.


Juliette Hadchouel est codirectrice de l’unité de recherche Maladies rénales fréquentes et rares : des mécanismes moléculaires à la médecine personnalisée (CoRAKiD, unité 1155 Inserm/Sorbonne Université) à l’hôpital Tenon, à Paris.

Paroles de chercheurs : Juliette Hadchouel – Interview – 5 min 19 © Inserm 2021

Autrice : M. R.

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