Vincent Prévot, Prix Recherche 2024

Directeur de recherche Inserm au centre de neuroscience et cognition du CHU de Lille, Vincent Prévot s’est déjà vu remettre de multiples prix pour ses travaux sur les interactions entre cerveau et hormones. Aujourd’hui, le Prix Recherche décerné par l’Inserm confirme à quel point ces avancées marquent un véritable tournant dans la compréhension d’un certain nombre de pathologies et de troubles humains.

Vincent Prévot © Inserm/François Guénet
Vincent Prévot, unité 1172 Inserm/Université de Lille/CHU de Lille, Lille neuroscience et cognition © Inserm/François Guénet

Remue-ménage en neuroendocrinologie

Quand il décroche le téléphone, Vincent Prévot s’excuse d’avoir décalé l’appel en raison de l’organisation, en dernière minute, d’un comité de direction la veille, et de répondre avec quelques minutes de retard à cause d’une « photo de classe » de son laboratoire. Pourtant on se doute bien de la lourdeur de l’agenda de ce directeur de recherche Inserm à la tête de l’équipe Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine depuis 2006, au laboratoire Lille neuroscience et cognition. Internationalement reconnu, il est l’auteur de plus de deux cents articles dans les revues les plus prestigieuses, coordonne des réseaux collaboratifs de grande envergure et préside plusieurs comités comme la Fédération internationale de neuroendocrinologie ou le Centre européen d’endocrinologie reproductive. Il a d’ailleurs reçu de nombreuses récompenses : bourses du Conseil européen de la recherche, prix Charles-Thibault dans le domaine de la reproduction, grands prix de la Fondation pour les neurosciences-Institut de France et de la Fondation pour la recherche médicale, ou encore Award de la Société américaine d’endocrinologie… Et cette année celui de l’Inserm pour la recherche, qu’avec son équipe il accueille « avec beaucoup de fierté et de reconnaissance pour la confiance accordée par l’Institut ».

Une certaine dose de curiosité…

« Mes collègues américains considèrent que je pense out of the box ! », confie-t-il. Comprenez que ses réflexions et hypothèses sortent du cadre habituel et bousculent les croyances. Il ose. Et de fait, Vincent Prévot a apporté à la communauté scientifique et médicale des données tout à fait originales. Il a pour ainsi dire bouleversé avec son équipe les connaissances sur la communication entre le cerveau et le reste du corps, avec des retombées dans les domaines de l’obésité, de la puberté, de la trisomie 21, des troubles neurodéveloppementaux ou encore de la démence. Le chercheur a fait éclore une discipline jusque-là confidentielle : la neuroendocrinologie. Cette révolution repose sur l’étude, depuis sa thèse, d’une « porte » qui permet à de grosses molécules du sang, notamment des hormones, d’entrer dans le cerveau et à d’autres d’en sortir, contournant ainsi l’étanchéité de la barrière hématoencéphalique. « Cette porte s’appelle “tanycyte”, du nom des cellules situées à la frontière du cerveau, qui baignent dans le liquide céphalorachidien mais dont les extensions très longues parviennent à la surface externe du cerveau et sont en contact avec des vaisseaux sanguins perméables. C’est par là qu’entre par exemple la leptine, l’hormone de satiété, ou que sort la GnRH, celle qui contrôle les fonctions de reproduction », explique-t-il.

… pour reconsidérer la barrière cérébrale

Depuis cette découverte, l’ex-étudiant en neurosciences à l’université de Lille, passé par les États-Unis, est devenu chef d’une équipe Inserm d’une quarantaine de personnes qui comprend huit chercheurs en plus des postdoctorants, thésards, médecins… Ensemble, ils étudient les voies de signalisation qui transitent par ce point de passage et leur impact sur le fonctionnement cérébral. « Nous explorons par exemple les associations entre minipuberté – l’activation des neurones à GnRH après la naissance – et troubles du développement ou de la cognition, l’altération des neurones à GnRH avec l’âge en lien avec le risque de démence, ou encore l’association entre obésité et infertilité », détaille-t-il. Récemment, Vincent Prévot a aussi marqué une avancée dans la trisomie 21 en montrant que restaurer la production normale de GnRH, qui est altérée chez les personnes porteuses de cette anomalie chromosomique, réduit les troubles cognitifs. « Autant dire que nos recherches fondamentales intéressent de près les cliniciens », clarifie le scientifique.

Alors que l’entretien se prolonge, Vincent Prévot propose encore dix nouvelles pistes à explorer. « Je me pose des questions ! » est son leitmotiv. Il est temps de le laisser à ses recherches dont nous savons déjà qu’elles aboutiront demain à de nouvelles révélations sur la physiologie et la santé humaine.

À lire aussi

Vincent Prévot